Le long et délicat réveil après une nuit bien arrosé, voilà donc le supplice que devait subir Dimitri alors que les premières lueurs du jour étaient déjà passé depuis bien des heures, les paupières ouvertes, cherchant durant un moment à s'adapter à son environnement, l'homme avait tout de même réussi à  se lever, en bousculant une bouteille par la même occasion, heureusement que ce whisky était vide. Pourquoi fallait il qu'il boit autant la veille d'un jour aussi important ? En réalité, c'était sans doute dû à cette importance, justement. Il avait tellement travaillé dur et d'arrache-pied ces six dernières années pour s'intégrer dans cette société qui lui était complétement étrangère. Au revoir glorieuse patrie soviétique, toi et ton communisme. Au revoir, école glorieuse de la mère patrie et tes enseignements. Bonjour à l'Angleterre capitaliste et à son monde des sorciers bien différent de celui qu'il connait. Rien que la langue avait été une épreuve en soi. L'apprendre en autodidacte n'avait pas été une mince affaire, mais à présent, cela portait ses fruits, il aurait presque été anglais, si il n'avait pas conserver ce fort accent de Russie Occidentale, certaines fois, c'était un petit charme qui accompagnait l'homme, souvent, c'était une anecdote perturbante pour autrui.
Il s'avança tel le pas d'un condamné jusqu'à sa salle de bain, pour venir s'appuyer contre le lavabo de cette minuscule pièce, se regardant brièvement dans le miroir pour admirer cette gueule de bois et ces cheveux en batailles, le matin n'allait pas être simple, mais tout de même, il fit l'effort de se rafraichir le visage, avant de s'avancer jusqu'à la douche, passant directement dans celle-ci, rien de bien compliqué quand on dort entièrement nu et enfin, il laisse le châtiment de l'eau froide rejoindre son corps, s'abattant sur son épiderme comme un électrochoc, pourtant, il ne s'en plaint pas, au contraire, il la subit comme une bénédiction. Ses pensées se remettant doucement en place alors que la douche s'éternisait, prenant son temps, car pour le coup, c'était bien la seule chose qu'il avait encore ce matin.
Ce n'est qu'au bout d'une demie heure qu'il se décida enfin d'arrêter cette torture pour venir se sécher et dans un deuxième temps, il s'empara de sa baguette et d'un geste de la main, ses vêtements virent à lui. Un t.shirt noir tout simple, un pantalon sombre, des rangers et son long manteau en cuir, rien de tel pour affronter une nouvelle journée d'hiver. C'est ainsi qu'il quitta alors son appartement pour vagabonder dans ces petites ruelles sombre dont Londres semblait apprécier se vêtir. Le trajet fut d'un calme et d'un silence à tout épreuve, ne pensant à rien, il entra dans le ministère de la Magie, comment ne pas être impressionnait par ce bâtiment qui regrouper autant de personne ? Et bien, il suffisait d'y travailler six ans dans un des étages les plus glauque, celui des archives, pour perdre finalement l'émerveillement et laisser place à la routine quotidienne. Mais aujourd'hui, il ne venait pas pour classer encore d'éternel dossiers, non, aujourd'hui il se dirigeait vers un tout autre étage, s'arrêtant même devant la porte du secteur, laissant place à un doute, ou alors était ce une hésitation ? Non, pas après avoir accepter la nationalité britannique, pas après avoir accepter qu'il serait vu comme un traitre chez lui. Il réajusta rapidement son manteau sur ses épaules et son col puis entra dans la pièce, inclinant la tête vers la secrétaire, il prit la peine de s'avancer jusqu'à elle, pour lui toucher deux mots :

"Bonjour, je suis Dimitri Var Emris, je viens pour l'entretien."

Il l'écouta d'une oreille pour lui confirmer son rendez vous avant de lui demander d'aller s'assoir bien gentiment, ce qu'il fit, se posant sur cette chaise inconfortable, attendant son heure, celui où il passera à l'abattoir ou celui qui lui donnera sa chance, c'était difficile de la savoir actuellement, pourtant, il restait parfaitement calme. Si l'URSS lui avait bien appris quelque chose, c'était d'avoir un sang froid à tout épreuve et de ne jamais dévoiler ses pensées, il faut dire que les coutumes étaient différentes. Cela lui avait parru tellement étrange de voir autant de personnes sourire pour tout et n'importe quoi. En URSS, on ne souriait qu'avec des proches, c'était un signe d'intimité, ici, cela prenait une tout autre version. Il avait mit du temps à comprendre, mais ses vielles habitudes avaient la vie dur, et le laissait paraitre comme un homme froid, ce n'était pas si dérangeant au final :

"Monsieur Var Emris. On vous attend."

La demoiselle inclina la tête en lui présenta la porte. Ainsi donc c'était son tour, tant mieux, il était prêt. D'un geste, il se leva, le dos droit, les épaules hautes, il passa cette porte pour arriver dans un bureau plutôt élégant, son regard se posant alors sur la seule personne présente derrière celui-ci, une femme qui était sans doute plus vielle que lui, mais qui dégageait une autorité naturelle à n'en pas douté. Ses iris se perdirent rapidement sur ce qui trainait sur le bureau, son dossier, évidemment, jusqu'où celui-ci était complet ? Allait savoir, les petits secrets du ministère sont parfois surprenant. Il inclina brièvement la tête avant de s'avancer jusqu'à une chaise mais resta derrière celle-ci, debout, les bras dans le dos :

"Bonjour, madame."

Rien de plus sobre ne pouvait sortir de ses lèvres, au vu de la plaque sur le bureau, il se tenait devant sa potentielle futur chef, dans un bureau qui pourrait potentiellement connaitre au fil du temps, mais tout se jouer maintenant, il allait devoir se montrer convaincant :

"Je suis Dimitri Var Emris, madame."

-Lilian Brockenbridge. Nous nous sommes déjà croisés. Je vous en prie, asseyez-vous.

Dimitri se souvenait de cette femme, il l'avait déjà eu la chance de la croiser de temps à autre, quand celle-ci avait besoin de retrouver un élément dans les archives, ce qui n'était clairement pas chose aisé au vu de la taille de cette administration. Même si ils n'avaient jamais vraiment discuter, il devait avouer que cette femme l'impressionnait. Elle dégageait cette aura de femme accomplit et indépendante qui lui rappelait certaines de son pays. Enfin, ce n'était pas le lieu pour se rappeler de la mère patrie alors qu'on compte entrer dans les forces d'une autre puissance. A la vue de cette main tendu, il vint la chercher pour la serrer sans plus de prétention, inclinant la tête au passage, prenant son invitation au pied de la lettre, il la relâcha pour tirer une chaise et venir s'assoir face au bureau. Le fauteuil était loin d'être confortable, mais une certaine excitation émergé, celle d'être réellement face à quelque chose qu'il pourrait accomplir. Non plus trier des papiers pour gagner sa vie. Mais faire ce qui lui plait. Cette idée lui plaisait énormément, mais il se refuser de l'afficher, il devait rester maitre de ses expressions, croisant simplement les bras, son dos venant appuyer contre le dossier en bois de sa chaise, il observait en silence les objets se ranger d'eux même, visiblement sa potentiel patronne était du genre un peu foutoir, mais foutoir qu'elle même reconnait assez pour savoir où sont les choses. Un bordel pour tous, mais un rangement organisé pour l'autre.
Ses iris se mirent à la suivre dans le plus grand des silences, l'observant s'assoir face à lui, ça y est, l'entretien allait commencer. Il inspira discrètement par le nez, gonflant ses poumons, il était prêt.

-Le Ministère de la Magie offre beaucoup d'opportunités de reconversion, mais votre cas reste peu commun. Je ne crois pas avoir déjà vu un employé des archives bifurquer vers une carrière d'Auror. Pourquoi ce changement? Qu'est-ce qui vous a motivé à poser votre candidature?

Évidemment, c'était la question à laquelle il s'attendait le plus et c'était normal que celle-ci soit posé, même si pour le coup, il ne savait quelles réponses étaient la bonne. Il avait toujours eu envie de faire ce genre de métier, d'enquêter, de poursuite des criminelles, bon, plus jeune il se voyait faire ça en URSS, mais à présent c'était impossible, même si avec la chute du bloc soviétique, l'idée de retourner chez lui était extrêmement tentante, la Russie restait fidèle à elle même. Corrompu et rancunière. Il aimait ce pays, mais comme on dit, loin des yeux, près du coeur. Il chercha alors une autre formulation, tournant sa langue sept fois dans sa bouche, il prit finalement la parole :

"Je n'ai jamais eu pour ambition ou objectif de travailler aux archives. Mais comme vous devez le savoir, je suis un étrangé et je n'avais qu'un passeport de travail en Angleterre, ce qui me limitait déjà dans mes choix. Mais je voulais déjà travailler aux seins de l'organisme d'état. Donc je me suis dis que le meilleur endroit était là où se trouvait le centre des informations collectés. C'est un endroit que j'ai appris à découvrir et maitriser. Mais il y a peu, j'ai reçu le droit d'avoir la nationalité anglaise, donc j'ai pu revoir mes projets à jour. J'ai toujours voulu entrer dans ce département, madame. Enquêter, c'est ça, le but de toute cette patience."

Ses paroles étaient vrai, ce n'était pas complétement la vérité, mais une très grande partie de celle-ci, de plus, son accent slave refusait de le quitter, certes il s'était atténué avec le temps, mais il restait cette petite nuance qui le trahissait et qui empêchait tout anglais de le croire insulaire. Son pouce se mit alors à caresser presque inconsciemment son autre main ganté, un léger geste qu'il avait toujours quand il était en pleine réflexion, il avait besoin de sonder celle qui tenait son avenir en main, c'était plus fort que lui. On ne jouait pas ici, ses iris d'azur l'observaient sans pour autant se montrer insistant, avec cette légère distance froide d'homme du nord, les russes n'avaient jamais eu la réputation d'être des hommes souriant, enfin, c'était une tout autre culture, on ne souriait pas en public. Alors le voilà à fixer une femme qui malgré son âge n'était pas à déplaire, attendant ses questions et son verdict, pour savoir si il allait devoir retourner s'enfermer entre les papiers et cette odeur de renfermer ou se trouver un bureau non loin d'ici.

"Félicitations, avança-t-elle, pour votre nouvelle nationalité, je veux dire. "

Dimitri inclina simplement la tête face à cette phrase en signe de respect et de reconnaissance, ses iris ancrés sur elle, devenant lui même le détecteur de ses réactions. Avait elle marqué le silence exprès ? Voulait elle voir comment il allait réagir ? Était-ce un test ? Il y avait tellement de chose qui se disait sur les aurors, à la fin, on ne savait plus vraiment différencier le vrai du faux. Il se refusait de perdre à ce jeu là. Ses rétines ne se retraitaient pas, en dehors de la lumière, ses mains jointent resté unis, son pouce continuant avec cette lenteur, tel un métronome. Mais avant même qu'il puisse respiré, il pouvait voir dans le regard de cette femme, que quelque chose n'allait pas. Non pas que son curriculum était mauvais, mais peut-être cela était dû à son attitude ? Les russes ont toujours été connu pour avoir cette attitude froide. Il faut dire aussi que l'éducation du jeune homme ne l'a jamais poussé à être très expressif dans ses gestes ou son visage, certains y verraient une malédiction, d'autres une chance. Pour lui, c'était simplement une habitude. Mais la question qui fut la suivante, il ne s'y attendait pas:

Où se trouvait le centre des informations collectées... Vous parlez comme un militaire, ou un stratège. Et c'est quelque chose qui vous a visiblement démarqué lors de vos épreuves physiques. Vous avez abordé les exercices comme quelqu'un qui a l'expérience du terrain. Vous pouvez m'en dire plus sur votre activité avant d'arriver Outre-Manche?


Elle lui tomba dessus comme un éclair, pourtant, son visage ne montra en rien la claque qu'il venait de se prendre. Depuis combien de temps il n'avait pas parlé de ça ?  Et puis, comment expliqué à une sorcière d'Angleterre la situation géo-politique des moldus de l'autre côté de la manche ? Il fallait réfléchir et vite. D'un geste lent, il s'enfonça légèrement sur son dossier, ne la quittant toujours pas des yeux. La meilleure chose à faire été la vérité, c'était même la seule chose qu'il pouvait faire ? Mais allait elle seulement le croire ? Le mur de Berlin était tombé il y a trois ans et cela faisait moins d'un an que l'URSS n'existait plus, au profit de la Russie. Enfin...Au diable les craintes de l'espion, si elle devait être sa charmante patronne, il se devait de jouer carte sur table avec elle. Il prit ainsi une aspiration et se mit à parler :

"Je viens de Saint-Pétersbourg, dans l'ancienne URSS. La-bas, entre dix-sept et dix-huit ans, le service militaire moldu est obligatoire. Donc une fois mes B.U.S.E.S et l'aspic passaient, j'ai du faire mon service militaire durant un an et demi. On m'a envoyé en République Démocratique d'Ukraine dans le 7éme régiment de spetsnaz du GRU, assigné au bataillon Vostok. Puis six mois en opération en Afghanistan avec mon régiment. J'ai par la suite achevé mon service puis je suis retourné à Saint-Pétersbourg."

Il s'arrêta là, inutile de lui raconter sa vie, ce n'est pas ce qu'elle voulait et elle n'en n'avait pas besoin. Il était même sûr que la moitié de ce qu'il venait de raconter, elle ne savait pas ce que c'était, comme la guerre en Afghanistan, ou même les spetsnaz. Il faut dire que les moldus et leurs armes avaient mauvaise réputation par chez eux. Surtout en Angleterre, alors qu'est-ce que ça serait de dire qu'il savait aussi bien manier un SVD ou un AK-74M que ça propre baguette magique ? Inutile d'y réfléchir vraiment. Malgré tout ce que pouvait dire les mages sur l'armement moldus. La guerre chez eux, était bien plus brutal, il avait connu la peur d'être poignardé dans son sommeil. Il avait connu la paranoïa d'un ennemi invisible. Le milieu hostile. Cela n'avait duré que quelques mois, mais ça l'avait transformer. Le gamin innocent, avait disparu pour laisser sa place à l'homme d'aujourd'hui, froid, méthodique, porté sur la bouteille, mais ça encore, elle n'était pas forcé de le savoir. Il n'y avait même aucune raison. Il resta alors ainsi, s'étant remit droit sur sa chaise, dos contre le dossier, les mains sur la table et ses iris azurés, éternellement ancré sur le visage de cette femme.

"J'espère que vous saurez travailler en équipe."

C'était un murmure, certes, sans doute même pas destiné pour lui-même, mais il était persuadé d'avoir entendu ça. Ses iris reposant sur la femme face à lui, il accepta alors ce fait, elle avait bien murmuré quelque chose et pour lui, ça ne faisait aucun doute que ce soit ça. Comment devait il réagir ? Cela voulait il dire qu'il était accepté ? Il ne savait même pas si il devait la remercier ou rester tout aussi imperturbable jusqu'à la fin de l'entretien.
"Merci Mr. Var Emris, nous vous tiendrons au courant"

Il n'y avait plus de place pour la réfléxion, tout aller très vite à présent, sans doute que la patronne des lieux avait fait son choix, aussitôt dit, elle s'était levé et lui tendait déjà la main. Sans attendre une seconde de plus, il l'imita pour ne pas montrer un quelconque doute, venant lui serrer la poigne en inclinant la tête, s'éloignant avec elle jusqu'à la porte qu'elle lui ouvrit, une fois les pieds dehors, il se retourna de trois quart pour simplement prononcer :

"Au revoir, Madame Brockenbridge. Merci de m'avoir accordé de votre temps."

Et sans un mot de plus, il refit le chemin qui l'avait mené ici, un regard s'orientant vers les locaux, peut-être que finalement, il allait réussir quelque chose dans cette vie si loin de chez lui. A cette pensée fugace, un sourire ne pu s'empêcher de se dessiner.