Si cela se trouve c'est juste une question d'usure. Ou d'humidité.
Il éclairait la pierre avec une bougie fichée sur un bougeoir en vieille argent terni. Un juron vite étouffé à cause de la cire qui lui dégoutait sur ses chaussons, il cligna des yeux pour ajuster sa vision. C'était capital de se montrer le plus silencieux possible. Même s'il était dans la salle commune de la tour des Serdaigle, ses camarades étaient des plus chatouilleux pour tout ce qui touchait leur sommeil en période d'examen.
Impossible d'allumer quelques chandeliers pour avoir une meilleure visibilité. Ça ne risquerait que de réveiller quelqu'un d'autre.
Frustré, il passa la main sur la pierre. D'abord la paume, puis le bout des doigts. Elle était lisse, tiède et très légèrement humide sous sa peau. Comme toute les autres en somme. Son bas de pyjama bleu et argent, dépassé depuis des lustres, était bien trop court aux chevilles et il commençait à ressentir quelques frissons dans cette zone. Il n'en avait pas la notion, mais il présentait un spectacle comique: cloué en deux le nez contre le mur, en pyzama trop petit pour lui, en pleine nuit.
Encore un détails que je ne remarque que cette année. Je dois me faire des idées.
Il recula un peu, prenant de la distance. La pierre qui faisait l'objet de son étude était une pierre du mur nord de la tour de Serdaigle. Au niveau du genou, elle était légèrement différente des quatre autres pierres qui l'entouraient. Plus lisse ? Plus foncé ? Difficile à dire.
Everard serra les cuisses à cause de sa vessie qui le rappelait à l'ordre. S'il s'était réveillé pour aller se soulager, c'était sa maudite curiosité maladive qui le retenait maintenant.
Bha, au diable la pierre, au diable le mur...
En se retournant pour gagner le chemin des W.C, il remarqua le buste de Rowena. Le rouge lui monta aux joues contre toute logique.
Elle me regardait depuis le début. Elle a dû me trouver ridicule. Un peu de dignité, bon sang... c'est la fondatrice de ta maison.
Il se redressa en pensant adopter une pose avantageuse. Ha... il était né mille ans trop tard. Nul doute qu'il aurait su attirer l'attention de Serdaigle s'il avait été son contemporain. Cédant à un impulsion plus qu'excentrique, il se rapprocha en s'adressant au buste de pierre.
- Vous êtes fort en beauté, ce soir, Rowena... balbutia t-il. Il est rare de pouvoir vous trouver ici. Quelle chance que le lieu soit désert pour une fois.
Prenant confiance, il se rapprocha encore, bougeoir toujours en main.
- Ha ces élèves, des incorrigibles ! Ils ne peuvent pas vous comprendre comme moi je le puis.
Pris au jeu, il se tenait maintenant toute contre le buste. Il posa une main sur la colonne qui le supportait, comme le ferait un danseur qui niche sa main dans le creux du dos d'une partenaire. Libre du poids des regards des autres, il se laissait aller.
- Comment cela ? Vous vouliez me dire quelque chose depuis longtemps... Mais je vous en prie, Rowena ! Vous savez avoir mon oreille de jour comme de nuit. Je suis votre dévoué serviteur.
Il fit mine de se pencher comme si le buste voulait lui murmurer quelque chose à l'oreille. Après, il se composa une mine faussement surprise, un petit sourire flatté sur les lèvres.
- Rowena... moi aussi j'éprouve ces sentiments pour vous. Depuis toujours.... Je les taisait car je ne pensais pas être à votre hauteur, malgré mon indéniable talent en métamorphose...
Amusé, il se pencha alors pour poser ses lèvres sur celles froides et dures du buste de Rowena Serdaigle.
Pas mal pour un premier baiser.