-Sans vouloir me plaindre ou lancer de débat, je viens de vous entendre poser l'énigme du Sphynx à trois filles qui viennent de passer. Vous savez, celle que tout le monde connait. Que tout le monde à au moins entendu une fois. Alors vraiment, loin de moi l'idée de récriminer mais... vu l'énigme queje dois résoudre, ce ne serait pas un peu injuste sur les bords ? Je vais y répondre, je sais que je n'ai pas le choix... mais bon.

La haute et massive porte en cintre surbaissé ne s'ouvrirait pas autrement. Bardée de ferronnerie décorative, rendue noire par le temps, elle arborait en son cente le heurtoir en forme de tête d'aigle. Massif, lourd, en bronze, le bec de l'oiseau ne s'animait pas lorsque le heurtoir décidait de poser une question. Et pour décider, il le faisait souvent... à chaque Serdaigle qui voulait se rendre dans la salle commune, en vérité.
La meilleur stratégie consistait à s'y rendre en groupe, comme cela le heurtoir opposait une seule énigme à toute les élèves. Mais il se trouvait toujours un retardataire ou un solitaire pour devoir y faire face seul.

A ma connaissance, nous sommes les seules à avoir un heurtoir comme celui-ci. Dans le fond, c'est une chance. Une occasion d'aiguiser son esprit.

Lui qui avait sinué tout au long de sa scolarité en évitant de nouer le moindre lien d'amitié, il ne savais trop comment d'ailleurs, se demandait là, maintenant, s'il serait possible de tenir une conversation avec ce heurtoir.

C'est possible avec les gargouilles, avec les portraits, avec les fantômes. Avec lui, se serait à vérifier. Il en aurait des choses à m'apprendre. S'il le voulait bien.

Peut-être impatient devant son silence, le heurtoir énonça de nouveau l'énigme. Il s'agissait très rarement d'énigme simplement logique, purement mathématique. Non, souvent c'était l'astuce et l'imagination qui était sollicité. Cette fois-ci, la teneur philosophique de la question surprit totalement Everard.

- L'être est matériel et rivé au sol
Si l'être souhaite monter au au ciel infini,
Pour se défausser et prendre son envol
Lui faut-il laisser l'âme, la conscience ou l'esprit ?

Everard fronça les sourcils. Elle était vraiment difficile. Ardue. Ça n'avait rien à voir avec une devinette, une énigme qui reposait sur un jeu de mot ou qui demandait dans des termes mystérieux une réponse terre-a-terre.

- Moi aussi je serais capable de t'en poser une. Regarde...
Au dessus des prince,
Sa larme nous rince
Au dessus des rois,
Il ne mange ni ne boit..
Au dessus des empereurs,
Sous le vent il se fait voyageur.

A sa grande surprise, le heurtoir lui répondi après quelques secondes de réflexion. Lui qui pensait être ignoré...

-Un nuage.
-J'ai compris. Je vais répondre. Laisse moi le temps de cogiter.

L'âme c'est peut-être le composant le plus léger de notre être. Difficile à définir, invisible et surtout indivisible, inquantifiable. L'esprit c'est plus logique mais tout aussi mystique. L'esprit accouche de l'imagination, du rêve. Ces mêmes deux choses qui nous permettent de nous affranchir du quotidien. La conscience, par contre... c'est la connaissance de notre activité intellectuelle, et surtout la connaissance de ce qui nous entoure. C'est elle qui pose les limitations direct. C'est elle notre ancre: nous avons conscience de ne pas pouvoir voler comme un oiseau et donc nous n'essayons même pas. C'est la conscience de ce qui est à priori possible ou non qui nous limite. La même conscience de nos peurs qui nous limitent. Le terme même d'inconscient est une arnaque. Inconscient ou pas, cette inverse de la conscience dicte beaucoup de nos comportements...

Il se passa la langue sur les lèvres, qu'il avait sèche. Pour la prochaine fois il retiendrait la leçon et ne resterait pas aussi tard dans la salle d'étude.

- La conscience de nos limites, la conscience de  la réalité est ce qui empêche l'être de réaliser l'impossible, ou d'au moins tenter. L'être devrait donc se défausser de la conscience.
-Correct. Tu peux passer
-Merci... je serais plus vif d'esprit la prochaine fois.