Une vent sec et frais soufflait bruyamment sur les Highlands d'Ecosse, s'engouffrant dans l'herbe verte qui dansait au gré des bourrasques qui s'abattaient sur les vieilles pierres de Poudlard. Les arbres environnants s'agitaient dans un bruit sourd, les branches emportées par le zéphyr qui se déchaînait ce jour là sur l'école de Sorcellerie. Un pâle soleil était caché par de sombres nuages d'un gris menaçant qui s’avançaient dans les cieux, prêts à éclater à tout moment. Il allait sûrement pleuvoir.
Arthur observait par les fenêtres ce spectacle peu réjouissant depuis un long couloir gothique de pierre taillées, surplombé par d'immenses et innombrables arches aux figures étranges. Une unique goutte d'eau vint s'écraser sur la vitre qui séparait le Poufsouffle du Parc, annonçant une journée peu propice aux sorties. Celui ci soupira tristement avant de tirer de sa poche un emballage bleu pastel contenant un Ballongomme qu'il goba aussitôt une fois ouvert, mâchonnant la friandise avec maints bruits accompagnant sa dégustation. Sortant à peine d'un cours d'Etude des Runes, il portait encore un vieil ouvrage à la main, relié de cuir et dont le titre lui même était parfaitement incompréhensible. Il avançait désormais seul dans les couloirs peu fréquentés tandis que l'heure du repas allait être sonnée, se dirigeant mollement vers la Grande Salle pour profiter d'un déjeuner chaud et revigorant après cette matinée aussi difficile qu'ennuyeuse. Ses pas claquaient sur les dalles de pierre alors que sa longue cape d'un noir profond flottait légèrement derrière lui alors qu'il ré-ajustait sa cravate rayée d'un jaune pétant, signe de son appartenance à la Maison du Blaireau.
Après plusieurs minutes supplémentaires de marche, notamment un pénible incident durant lequel il attendit longtemps que les Escaliers prennent la configuration lui permettant de parvenir au Grand Hall, Arthur s'arrêta devant les immenses portes ouvragées de la Grande Salle avant de les passer, se laissant envelopper par la douce chaleur qui régnait dans cet immense endroit, partagé entre brouhahas de conversations diverses et d'effluves délicieuses provenant des plats alignés sur les Tables.
Aujourd'hui décidé à étudier pendant le repas, le Poufsouffle s'assit seul à l'extrémité de la Table, avant de se servir généreusement, piochant dans les plateaux d'argent plusieurs saucisses admirablement grillées, une purée de pomme de terre qu'Arthur jugea excellente, de la salade verte et quelques tomates. Il sortit en même temps le livre de sa poche avant de l'ouvrir devant lui en s'y penchant, l'esprit aussitôt empli d'étranges symboles qu'ils étudiaient en ce moment. Après avoir achevé son déjeuner d'une généreuse portion de tarte aux pommes, le jeune homme se leva rapidement, quittant la Grande Salle, toujours pas plus avancé qu'en y entrant à propos des Runes qu'il avait à résoudre en devoirs...
Celui ci consulta la petite montre en argent suspendue dans la doublure de sa cape noire : il allait bientôt être l'heure d'aller assister au Cours d'Histoire de la Magie. Souriant à la perspective d'étudier sa matière préférée, Arthur se mit en chemin pour la classe du Professeur Binns, s'engouffrant dans les labyrinthiques couloirs de Poudlard. Alors qu'il arrivait à un croisement, le Poufsouffle écrasa du pied une Bombabouse qui avait sans doute été posée à terre par un petit farceur. Maugréant, il fit tomber son ouvrage ce qui le poussa à se baisser pour le ramasser et appliquer un Sortilège de Nettoyage sur ses chaussures. Ce petit incident sans importance allait cependant permettre à Arthur d'entendre une conversation devant radicalement perturber sa journée si bien planifiée...
La journée avait relativement bien commencé. Maeve s’était levée tôt ; elle avait fait dans la salle commune les exercices de gymnastique recommandés par ses parents afin d’éviter de se frustrer complètement ; elle n’avait pas fait perdre de points à sa maison de la matinée - elle ne voyait toujours pas l’intérêt, mais les autres si, et elle faisait donc de son mieux - et le déjeuner avait été fort agréable.
Parmi les différentes cliques qui composaient le corps estudiantin, Maeve s’entendait raisonnablement bien avec toutes celles qu’elle avait rencontré, sans avoir nécessairement trouvé la sienne. Cela ne lui importait guère : il y avait toujours, après tout, quelqu’un avec qui parler, un groupe avec qui s’asseoir à midi, deux ou trois personnes avec qui marcher entre deux cours. Les seuls avec lesquels le contact avait vraiment du mal à passer étaient ceux qui venaient la chercher sur l’impureté de son sang ou les aspects les plus ‘garçon manqué’ de son comportement. Maeve ne comprenait pas comment l’école pouvait tolérer que des élèves qui voulaient littéralement voir les gens ‘comme elle’ disparaître puissent proférer leurs points de vue à voix haute… Ce qui ne l’empêchait pas de défendre ses camarades et elle-même du mieux qu’elle le pouvait. La confrontation directe ne ferait que lui amener des ennuis sur le long terme ; elle avait bien envie d’y aller à coups de croche-pattes et de coudes dans les côtes, mais ses parents avaient insisté pour qu’elle évite les problèmes. Elle n’en avait jamais posé, mais elle ne s’était jamais retrouvée en internat face à des mangemorts en herbe non plus…
C’était avec toutes ces pensées en tête qu’elle avait pris soin de se rendre à son premier cours de l’après-midi avec un groupe de Serdaigles quelque peu timorés qui préféraient raser les murs plutôt que de répondre à la confrontation. Ce n’était pas son style du tout, mais tenter de suivre leurs conversations lui procurait une distraction suffisante quant aux regards et autres remarques potentiellement lancés dans sa direction.
“Mais si vous n’arrivez pas à vous mettre d’accord sur la couleur des racines, là, ” dit-elle à ses camarades en donnant des petits coups de pieds à un caillou imaginaire tout en poursuivant son chemin, “ça ne serait pas plus simple d’aller vérifier ?”
“C’est dans la Forêt Interdite, Maeve,” lui répondit une jeune fille d’un ton patient. “Qui, comme son nom l’indique, est interdite d’accès. Le monde magique, c’est pas le centre-ville de Paisley, il peut y avoir toutes sortes de créatures là-dedans, tu sais.”
“Oui mais, ça va, c’est des racines. Tu cours, tu repères l’arbre, tu jettes un oeil, tu sais si c’est vert foncé ou vert clair, tu rentres, et tout le monde peut se sentir mieux d’écrire plus détaillé que ‘vert’ dans son parchemin de Botanique,” dit-elle, sautillant à cloche-pieds un pas sur deux.
“Oh, Maeve.” Ses camarades soupirèrent de concert.
“Et comment est-ce que tu comptes sortir du château sans te faire repérer ?”
“Arrête, lui demande pas ça, tu vas l’encourager...”
“Non… T'oserais pas, si ?”
“Ca me prendrait même pas… Même pas une heure à tout casser,” insista Maeve, “je retourne au dortoir me changer, j’attends que tout le monde soit en cours, je passe par la fenêtre au rez-de-chaussée à côté de votre tour, je sprinte, je trouve la racine, je vous la ramène-”
“Surtout pas, c’est vénéneux !”
“-je vous la ramène pas, je jette un oeil, je reviens, j’ai deux heures de trou et tout. Ca va marcher comme sur des roulettes.”
Maeve considérait son plan sans faille, ce qui n’était pas le cas de ses camarades. Ils firent de leur mieux pour la faire changer d’avis, mais elle n’en démordait pas : son plan était tout à fait réalisable. Surtout par une journée aussi pluvieuse que celle-ci, personne ne serait dehors à regarder qui se dirigeait vers la Forêt et qui suivait studieusement ses leçons. Et au plus ils tentaient de la convaincre, au plus elle voulait y aller, ne prétendant plaisanter que lorsqu’ils menacèrent de la dénoncer au Préfet le plus proche.
Le cours suivant se passa sans encombre, bien qu’elle passa plus de temps à s’imaginer en train de faire le mur qu’à prendre des notes, et elle mit son plan à exécution dès qu’elle le put. Elle remonta d’abord se changer dans son dortoir, enfilant un jean un peu chaud et une bonne paire de chaussures sous son uniforme, et fila discrètement jusqu’à la fenêtre du rez-de-chaussée près de la tour des Serdaigles. L'appréhension la saisit quand elle crut ne pas arriver à l’ouvrir, mais le loquet finit par lâcher, et elle se glissa dehors sans un bruit, courant sous la pluie vers l’orée du bois.