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MessageDans le dortoir des filles de première Année Dans le dortoir des filles de première Année Empty- Sam 8 Avr - 20:17


Les méandres de la mémoire

Flash-back - Post unique



















Je jette un œil par la fenêtre du dortoir : le ciel est couvert et de sombres nuages laissent présager qu'un orage risque d'éclater avant ce soir. Déconfite, j'esquisse une moue capricieuse et croise les bras sur ma poitrine en détournant mon regard des carreaux obscurcis. Je suis allongée sur mon lit à baldaquins bleu foncé, le haut du corps relevé par mes nombreux oreillers, et je gamberge.

Le festin de la rentrée, hier soir, m'a enthousiasmée autant qu'il m'a angoissée, car bien que je sois particulièrement heureuse de laisser la maison derrière moi au moins jusqu'aux vacances de Noël pour commencer mes études de sorcellerie, il n'en reste pas moins que je suis incroyablement mal à l'aise au milieu des gens. Ma répartition a été bouclée en moins de temps qu'il ne m'en a fallu pour poser mes fesses sur le tabouret, au beau milieu de la Grande Salle (le Choixpeau a crié "Serdaigle" à peine avait-il été posé sur ma tête) et j'ai rejoint rapidement la table aux couleurs bleu et bronze, d'où s'élevait une clameur et des applaudissements qui me laissent encore une sensation fiévreuse.

Les élèves de la maison de l'aigle m'ont accueillie à forces cris réjouis et j'ai tenté tant bien que mal de répondre à leurs sourires sans trop laisser paraître mon asociabilité. Bien que j'aurais préféré me rendre immédiatement dans mon dortoir, à l'abri des regards de mes condisciples.

Le directeur de Poudlard s'est levé dès que tout le monde a été réparti, et nous a souhaité la bienvenue, tout en nous rappelant les points clés du règlement de l'école. Après quoi il s'est rassis dans son fauteuil doré et les plats devant moi se sont emplis de mets à l'aspect délicieux. J'ai mangé un peu de tout, histoire de comparer la cuisine de Poudlard à celle de ma mère, et le résultat est tel que je m'y attendais : c'est nettement meilleur ici.

Le festin s'est achevé tandis que tous les élèves avaient le ventre bien rempli, et les préfets de chaque maison se sont levés pour nous conduire dans nos dortoirs respectifs. Je me suis installée en vitesse, aux côtés des autres élèves de première Année de Serdaigle, puis j'ai plongé sous mes couvertures pour m'endormir comme une pierre.

Ce matin, réveillée avant les autres, j'ai fait semblant de dormir à chaque fois que l'une des filles se levait pour sortir du dortoir. À présent, me voilà seule, et bien heureuse de l'être enfin. Nous sommes le dimanche 2 septembre 1990, et je peux réfléchir à tout ce que sera ma vie à partir d'aujourd'hui : celle d'une sorcière en passe de commencer ses études de magie dans la plus brillante académie que le monde magique ait connu depuis la nuit des temps.

Ma mère était incroyablement fière de moi, le jour où j'ai reçu ma lettre. Elle n'arrêtait pas de crier allègrement, d'envoyer des hiboux à toute la famille, puis à ses amis, et de me serrer dans ses bras dès qu'elle n'avait pas les mains encombrées par une plume et un morceau de parchemin. Quant à moi, j'étais heureuse, peut-être plus encore que ma mère, mais je ne laissais rien transparaître : ma mère était assez expansive pour deux, voire plus de deux !

En vérité, une pointe d'amertume m’alourdissait le ventre : que penserait mon père de mon admission à Poudlard, lui qui avait fait - d'après les dires de ma mère - ses études à Durmstrang ? Serait-il content pour moi, indifférent, malheureux que je n'entrasse pas dans la même école que lui ? Je ne le saurai sans doute jamais, puisque la seule fois où je l'avais vu, c'était quand j'avais sept ans et que, à l'époque, il n'avait aucune espèce d'envie d'entendre parler de moi.

Mes souvenirs m'emportent soudain très loin de la Tour de Serdaigle, à des milliers de kilomètres, en République Tchèque. C'était il y a quatre ans mais j'ai l'impression que c'était hier. Je tiens la main de ma mère, qui vient de nous faire transplaner à Prague. Je lui lance un regard inquiet tandis qu'elle regarde de tous les côtés pour essayer de trouver le nom de la rue qu'elle cherche. "Ah, la voilà ! Viens ma princesse, c'est par là." Nous traversons beaucoup de rues et de ruelles, ma mère ne me lâchant jamais la main, jusqu'à parvenir dans une coquette petite avenue nommée la Ruelle d'Or. Très connue à Prague, la Ruelle d'Or arbore de chaque côté des maisons basses, alignées et collées les unes aux autres, dont les portes d'entrée semblent avoir été taillées pour des personnes mesurant moins d'un mètre cinquante. Pour ma part, je suis émerveillée par cet endroit ô combien magique comparé à tout ce qui se peut trouver sur la Terre (bien que je ne sois jamais allée plus loin que l'Angleterre, en dehors de ce jour-là).

Ma mère s'arrête devant une porte brune, simple panneau de bois brut, sur laquelle est accroché un petit écriteau bancal indiquant "Boutique du fabricant - Gérold Solem" et en dessous duquel a été collé à la va-vite un morceau de parchemin froissé : "Fermé jusqu'à demain". Déjà déçue d'avoir pu faire tout ce chemin pour rien, je lève des yeux larmoyants vers ma mère, mais celle-ci ne semble même pas le remarquer : elle tambourine contre le battant jusqu'à ce que se fassent entendre des bruits de pas qui accourent, manifestement pour voir ce qui cause un tel raffut.

Une petite sorcière aux cheveux gris foncé ouvre de grands yeux ronds en entrebâillant la porte et en tombant nez-à-nez avec ma mère et moi. "Co chcete ?" demande-t-elle en tchèque, une langue que ni ma mère ni moi ne comprenons. "Je suis Demecra Greengrass, une... amie de Gérold... Votre fils, sans doute ?" mais la vieille ne comprend pas. Elle lève un doigt pour nous signifier de patienter un moment et tourne les talons, en laissant la porte ouverte. Curieuse, je jette un coup d’œil à l'intérieur de la maisonnette : c'est vraiment joli, comme dans une maison de poupée.

La vieille dame ne revient pas. À la place, un jeune homme aux cheveux noirs et aux yeux semblables aux miens s'approche à grandes enjambées : "Qu'est-ce que tu fais là ?" lance-t-il sur un ton agressif à l'attention de ma mère. Je les regarde tour à tour, celle qui me tient par la main et l'homme qui, je ne le sais pas encore, est mon géniteur, et mes lèvres se mettent à trembler : je n'aime pas qu'on parle comme ça à ma mère.

"Bonjour Gérold, je te présente ta fille." dit ma mère sans se laisser démonter, mais sans pour autant arborer le moindre sourire. Elle a peur de ce qui va se passer, je le sens, mais je ne comprends pas pourquoi. Qui est cet inconnu à qui ma mère dit que je suis sa fille ? Pourquoi m'a-t-elle emmenée ici, au fait ? Je ne m'en rappelle plus, ou peut-être ne me l'a-t-elle pas dit du tout.

Je me mets à pleurer lorsque l'homme se met à cracher "Ce n'est pas ma fille, retourne d'où tu viens et ne reviens jamais ! Je n'ai rien à voir avec toi, compris ?" avant de nous claquer la porte au nez.

Sans doute attirée par mes cris paniqués d'enfant qui ne comprend rien à ce qui lui arrive, bientôt la vieille dame réapparaît. Elle ouvre doucement la porte et la referme derrière elle en silence. Avec une grande délicatesse, elle s'accroupit devant moi et me tend une sucette en chocolat. "Ahoj Inis, toi pas pleurrrer ma pétite, moi ta babička. Ton pèrrre grrros hloupý, toi pas fairrre attention, lui changer d'avis, un jourrr." me dit-elle avec un accent à couper au couteau que je comprends à peine. Ma mère tente d'expliquer la situation à la vielle dame mais celle-ci lui adresse un signe amical de la main, comme pour lui dire qu'elle a compris. Elle lui tapote doucement l'épaule, lance un regard désolé, m'adresse un sourire encore plus désespéré, puis rentre chez elle et ferme à nouveau la porte.

Les yeux pleins de larmes, je reviens au présent, étendue sur les couvertures bleu et bronze de mon lit. L'heure n'est cependant pas à l'apitoiement. Un jour, peut-être, je trouverai le courage de retourner à Prague et de rencontrer les membres d'une famille que je ne connais presque pas, mais d'ici là, je dois tout faire pour devenir une brillante sorcière qui aura de quoi rendre fier un père qui ne veut pas de moi.


©Codage by Mr. Chaotik from Never-Utopia
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Dans le dortoir des filles de première Année
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