Informations nuancées
Une épaisse pile de documents reposait sur le bureau de bois massif. Les feuillets, tous plus griffonnés les uns que les autres, étaient plus noir que blanc, parsemés de tâches. Par endroit, l'encre s'en effaçait fuyant les pages vieillies par les brèves aventures qu'elles avaient vécues. L'écriture était par endroit soignée, à d'autres hâtives et précipitées. Cela constituait en soit une lecture désordonnée et laborieuse.
Adélaïde les avait toutes parcourues, bien que, certes, un peu rapidement. Elle avait saisi délicatement sa plume qu'elle tenait entre ses doigts fins. Sur le parchemin vierge qu'elle avait posé devant elle, elle retranscrivait les informations les plus importantes de ce qu'elle avait retenue. Cette activité l'ennuyait au plus haut point, mais Edward lui avait demandé de le faire, et elle préférait éviter les conflits avec lui. C'était bien peu à faire si on comparait avec ces femmes qui devaient s'occuper de leur mari à longueur de journée, alors elle savait s'en contenter.
Il avait également souhaité qu'elle rejoigne un journaliste pour un interview. Au départ, c'était lui qui devait s'y rendre, mais à peine était-il arrivé chez eux qu'il avait dû repartir. Il s'était contenté de lui laisser quelques instructions, et elle avait accepté de s'en charger. À peine avait-elle relevé le poignet au terme de son dernier mot que la sonnerie de l'horloge retentit. Il était temps. Elle se leva souplement, rangeant avec précaution ce sur quoi elle venait de travailler dans son sac à main.
Dans l'entrée elle hésita sur le manteau qu'elle allait porter. Il ferait froid, c'était certain, mais hors de question pour autant de s'habiller n'importe comment. S'il y avait bien une chose à laquelle elle tenait, c'était son image. Après quelques instants de réflexions, son choix se porta sur le rouge ; adapté à l'occasion et suffisamment chaud. Avant de sortir, elle lança un regard furtif à son reflet dans le large miroir installé dans le couloirs. Son teint était parfait, ses lèvres vermeilles sublimés par un un rouge à lèvre prononcé, ses cheveux parfaitement disposés et soyeux. Avec un sourire satisfait, elle passa le pas de la porte tout en veillant à fermer derrière elle. Après avoir tourné à deux reprises la clé dans le verrous, elle se mit à avancer.
Elle fit quelques pas distraits dans la rue, puis transplana à près-Au-Lard. Se dirigeant vers les Trois Balais -c'était là qu'elle avait rendez-vous- elle trouva sur sa route des passants des plus risibles. C'était sans gêne qu'elle les observait avec mépris, ne manquant de commenter en son esprit leurs aspects disgracieux. Par moment il lui arrivait de formuler ses critique à voix haute, mais elle n'avait pas le temps ce jour.
Poussant la porte du pub, elle s'engouffra dedans. Les relents d'alcool lui saisirent immédiatement les narines, mais cela ne la dérangea pas. Pour dire vrai, c'était même quelque chose qu'elle aimait plutôt bien. Inutile d'essayer de compter toutes les soirées où elle s'oubliait dans ces liquides magiques ... Elle était encore jeune et voulait profiter, son enfance ayant été bien trop sage. L'indépendance avait du bon.
Comme son mari lui lui avait joint une photographie, elle put reconnaître l'homme qu'elle cherchait. En prenant bien garde à ne porter aucune attention à la détestable population qui les entourait, elle s'approcha de lui. Il ne lui paraissait pas antipathique mais elle ne l'apprécia pas immédiatement pour autant. Si elle ne laissait pas droit à l'erreur, il fallait tout de même faire ses preuves. Elle était exigeante, peut-être même trop.
En avançant elle pu tout de même remarquer que, bien que singuliers, les traits de son visage étaient assez harmonieux. Laissant lourdement tomber son dossier sur la table, elle allait se présenter mais il parla le premier.
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Qui êtes-vous ? L'interrogea-t-il.
Je suppose qu'une aussi jolie femme que vous n'est pas Edward Nott. Il vous a envoyé pour repousser le rendez-vous ou l'annuler ? En la flattant, il marquait un point. De ce fait, elle ne répondit pas de manière trop virulente à sa dernière remarque. Son ton se fit tout de même assez acide.
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Personne ne m'envoi, je ne suis pas une espèce de secrétaire qu'on peut se permettre de faire déplacer selon son bon vouloir. Elle s'assit avec fluidité en face de lui, se radoucissant tout en gardant une intonation sûre d'elle.
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Si je suis venue, c'est pour répondre à vos questions à la place de mon mari. Je suis Adélaïde Nott, ravie de vous rencontrer."
never-utopia