Il faisait gris et humide ce dimanche. La pluie était tombée dans la nuit et Londres était encore humide de ces ondées nocturnes, car si l’eau ne tombait plus, les nuages étaient toujours présents et interdisaient au soleil de sécher la capitale britannique. Le printemps naissant avait cependant fait oublier les rigueurs de l’hiver, et le temps était doux. Il était environ 11 heures du matin. Les rues étaient relativement peu occupées en ce jour chômé. Lyne remontait Stoke Newington High Street, les bras chargés d’un bouquet de perce-neiges qu’elle venait d’acheter. La jeune femme avait l’air plus maussade encore que le ciel, et son humeur semblait comporter tout autant de chances d’amélioration que la météorologie londonienne. Elle n’aimait pas cette journée, trop de souvenirs refluaient à cette occasion. Les boutiques, restaurants et cafés s’enchaînaient, interminables, la rue était longue. Enfin, elle arriva devant Abney Park et la grande grille monumentale marquant l’entrée du cimetière.
Malgré la végétation qui se mêlait aux pierres tombales, Lyne savait parfaitement où aller. A faire de trop nombreuses fois un trajet, on finit par le retenir. Ce poumon vert en plein Londres avait beau être presque abandonné à la nature, il restait bien des points de repères pour qui pratiquait l’endroit. Au bout de quelques minutes, la blonde bifurquait dans une allée de tombes parmi tant d’autres, pour s’arrêter devant une un peu plus récente, mais qui bientôt serait tout autant grignotée par la végétation. La jeune femme déposa là son petit bouquet. Ce geste pouvait sembler stupide vu l’état du lieu, et c’était d’ailleurs ce qu’elle pensait. Mais d’un autre côté, ce petit témoignage, aussi futile qu’il puisse paraître, lui importait. N’ayant rien d’autre à faire, la jeune sorcière attendit en silence, les yeux posés sur la pierre qui lui faisait face. Une bruine se mit à tomber. Lyne poussa un faible soupir. On pouvait n’y voir qu’un caprice du temps peu clément d’Angleterre, mais il trouvait aujourd’hui un écho d’une triste ironie. Au moins n’était-on pas mardi, songea la blonde avec un pâle sourire torve.
Les gouttes tombaient, et la veste de Lyne tout comme son bonnet gris était désormais ornée de petites perles translucides. Les minutes s’égrainaient, combien en passa-t-il avant que des bruits de pas ne se fassent entendre ? La jeune femme n’aurait su le dire, elle était hors du temps. Les pas s’arrêtèrent tout proche, mais il n’y avait pas besoin de se retourner pour savoir de qui il s’agissait. C’était la même personne que tous les ans. Le silence revenu ne fut troublé par aucune parole, pourquoi le rompre ? Le temps des mots viendrait plus tard. Après ce qui sembla à la fois l’instant d’un battement de cils et une éternité, Lyne desserra les lèvres.
- Tu penses que ça lui fait quelque chose, qu’on vienne ici tous les ans ?, murmura-t-elle dans un souffle, hésitant à briser le calme ambiant. Le sait-on seulement, quand on est mort ?
Elle n’attendait pas véritablement de réponse, que répondre à cela sinon des mensonges ? Qui pouvait savoir ? La jeune femme ne laissa d’ailleurs pas le temps à son frère de formuler une quelconque hypothèse.
- T’es en retard, constata-t-elle en posant son regard gris sur Devan.
Sang : Âge : 27 ansStatut : Adulte Option #1 : Arithmancie Option #2 : DivinationBaguette : If - Ventricule de Dragon Animal/ux de compagnie : Doug, un beauceronPoste(s) : Chef de gang
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Devan Carter
Re: Mortiversaire - Jeu 7 Déc - 16:25
Mortiversaire
ft. Lyne Carter
Londres 19 avril 1992
19 Avril, jour damné parmi les 365 existants. Jour qui avait marqué un tournant sans retour en arrière possible chez les Carter, qui avait ébranlé la vie déjà morcelée de la petite famille anglaise. Si avant ce jour de printemps 1977 la vie de Devan était déjà relativement instable, il était incontestable que cette sombre date était responsable de tout ce qu'il était devenu. Quinze années s'étaient écoulées depuis l'assassinat de Judie Carter, un matin de printemps aussi gris et humide que celui-ci. Cinq ans plus tôt, un dimanche également, on retrouvait mort dans une ruelle grise et humide Jonathan Smith, le tueur en série dont la mère de famille était la première victime présumée de sa folie.
Le tatoué triturait un pendentif en argent à son cou, une croix qu'il arborait depuis à présent 5 ans. Il détestait cette date, c'était viscéral. Elle faisait remonter en lui mille sentiments, un besoin de frapper, mais aussi une sensation étrange d'abandon.
Le malfrat délaissa le pendentif et s'alluma une cigarette. Cela faisait une vingtaine de minute qu'il marchait au hasard, il se savait suivi. Du moins il le sentait... et ne comptait pas mener ces curieux là où il devait se rendre. Moldus ou sorciers, peu importait. D'une certaine manière, cette balade préalable à ce triste anniversaire lui changeait les idées. Presque... Un étrange constat lui vint en tête... il n'avait jamais touché de corps refroidi. Bien sûr il avait déjà été en contact avec des morts, mais à chaque fois le décès était survenu très (trop ?) peu de temps auparavant, et les corps étaient encore chauds et souples. Comme s'il ne s'agissait que de personnes endormies. A quoi pouvait bien ressembler un mort laissé à l'abandon ? Que ressentait-on au contact de ses chairs glacées ? Au bout de combien de temps le sang quittait les vaisseaux les plus haut, laissant une peau albâtre en superficie pour s'agglutiner en ecchymoses dans les tissus les plus bas ?
Devan secoua la tête à ces idées morbides, tira sur sa cigarette et bifurqua dans une ruelle vide en accélérant le pas, puis une autre. Il laissa le mégot encore rougeoyant et fumant au sol avant de transplaner dans la végétation sauvage d'Abney Park. Comme à chaque fois, il se trouvait comme subjugué par la végétation qui était maîtresse des lieux, comme si le temps ne s'écoulait plus de la même manière dans le cimetière et que les vivants n'avaient plus de prise sur ce qui s'y déroulait. Ici, la nature reprenait ses droits et ni la science moldue ni la magie des sorciers ne pouvait empêcher le juste cours des choses.
C'est démuni et les mains dans les poches qu'il se mit à arpenter les allées presque effacées, en direction de la petite tombe sans prétention de Judie Carter. C'est sans surprise qu'il y vit une frêle silhouette s'y tenant déjà en silence. Comme à chaque fois, Lyne semblait comme absorbée par la contemplation de la pierre gravée, un peu comme morte elle-même. Comme à chaque fois, Devan eu un pincement au coeur en la voyant ainsi, mais ne fit rien de plus que se placer à ses côtés, sans un mot.
« Tu penses que ça lui fait quelque chose, qu’on vienne ici tous les ans ? Le sait-on seulement, quand on est mort ? » murmura la jeune femme d'une voix pâle.
Un frisson parcourut l'échine du tatoué avant qu'il ne se crispe légèrement et ne serre les dents. Son regard aussi sombre que le ciel se posa sur le petit bouquet de perce-neige que sa jeune soeur avait apporté. Bouquet qui fanera, et dont le vent arrachera les pétales au fil des jours. Au fond, il ne savait pas quoi répondre à la jeune blonde. Qui pouvait prétendre savoir ce qu'il y avait après la mort ? Les chrétiens parlaient d'un Paradis, d'un Enfer, d'autres prétendaient qu'il n'y avait rien. Malgré la croix qu'il portait à son cou, Devan n'était pas croyant. Il trouvait certains contes chrétiens intéressants, la culture qui en découlait également, mais était incapable de se positionner dans ces croyances là. Si un Enfer existait, il était bel et bien sur terre actuellement.
Lorsque Lyne reprit parole de manière plus audible pour lui faire remarquer son retard, le marginal tourna la tête vers elle et la considéra un instant avant de passer un bras protecteur autour des épaules de sa soeur. Il n'allait pas se justifier auprès d'elle pour les raisons de son retard, qu'elles soient légitimes ou non. Moins elle en savait mieux elle se porterait.
« Désolé. » souffla-t-il en venant déposer un simple baiser sur le sommet du crâne de la demoiselle, humide de la bruine qui tombait.
Invité
Re: Mortiversaire - Sam 9 Déc - 16:01
Les deux regards gris se croisèrent un instant, alors que Devan entourait les épaules de sa sœur d’un bras protecteur, celui du sombre ange gardien qu’il était. Puis il lui baisa le front en lâchant doucement un simple mot : désolé. Un unique mot, mais pour tant de choses ! Cela allait bien plus loin que l’attente sous le temps peu clément d’Angleterre. Désolé pour les souvenirs ravivés chaque année, pour cette sensation de vide vieille de quinze ans et qui ne se comblerait sans doute jamais… Pour toute réponse, Lyne serra le gangster dans ses bras tout en lovant sa tête contre son torse. Il était son frère, la seule véritable famille qui lui restait, la seule personne avec laquelle elle pouvait abaisser ses barrières… Si un dieu existait et s’il était bon, la jeune femme l’aurait prié pour qu’on ne lui arrache pas davantage d’être cher et que Devan, malgré tous les risques que sa vie lui faisait prendre, n’ait pas à subir de représailles de quiconque. Mais, si elle avait jamais cru un jour en une telle entité bienveillante et supérieure, cela faisait bien longtemps que Lyne n’y croyait plus. Une roulette russe, une grande foire du hasard, voilà ce qu’étaient les lois qui régissaient l’univers. Il n’y avait ni justice divine ni justice sociale ni aucune autre, la seule qui prévalait était celle que l’on apportait soi-même. D’ailleurs, on était dimanche. Malgré toute l’affection qu’elle portait à son frère, mademoiselle Carter n’était pas très tactile, aussi finit-elle par le lâcher.
- Je t’en veux pas, souffla-t-elle finalement en reportant doucement son regard sur la pierre tombale. T’as fait ce que t’as pu.
Pour être à l’heure, pour protéger maman, pour combler l’immense trou béant laissé par sa disparition tout en la protégeant elle… Au moins l’immense roulette russe tutélaire ne s’acharnait-elle plus contre les Carter. Le barillet n’était certainement pas vide et ils menaient chacun une vie piteuse, mais au moins ils avaient la possibilité d’en mener une. Il ne tenait qu’à eux qu’elle s’améliore.
Rester ou partir ? Chaque minute à cette place maudite et sacrée était toujours un déchirement, mais Lyne y voyait toujours une sorte de devoir malgré tout. Pourquoi, puisque les morts n’ont certainement que faire des vivants, à supposer qu’ils bénéficient encore d’une conscience et d’une existence ? Pourquoi l’homme éprouvait-il un tel besoin de s’appesantir sur le passé à s’en faire souffrir plutôt que d’aller de l’avant et tourner la page ? Etait-elle si lourde, cette page ? La page de papier qui l’avait tenue en échec ce 19 avril 1977, Lyne avait mis des années à la tourner. Mais l’autre page, invisible, celle-ci n’avait pas encore été franchie. Pourquoi ?
*Parce que même à 20 ans, tu restes une chiarde chouineuse. Si tu pleurais pas en silence, je t’aurais sûrement mis une branlée*, affirma soudain la voix râpeuse et haïssable de Jack Carter.
Il fallut cette intervention du bourreau des premiers jours pour que la blonde constate qu’effectivement une larme perlait à son œil droit. Une ou deux autres avaient certainement déjà coulées, se mêlant à la constellation de gouttes qui perlait déjà sur le visage de la jeune femme. Celle-ci essuya la larme d’un revers de l’index, tout en fronçant légèrement les sourcils. Cette cérémonie macabre devenait une véritable réunion de famille, les vieux démons quittaient les tréfonds de l’inconscient pour rappeler leurs détestables souvenirs…
*T’auras bien du mal. T’es mort, t’as plus de prise sur ma vie.*
*On dirait pourtant que celle-ci est encore gouvernée par certaine défunte…*
Lyne tressaillit à cette affirmation sournoise avant de faire taire la voix insidieuse, l’enfermant, elle et les doutes et sombres vérités dont elle était porteuse, dans un recoin oublié de son être. Non, les fantômes du passé ne régissaient pas sa vie.
- Je rentre, lança soudainement la blonde en se détournant de la tombe. Rejoins-moi quand tu veux, tout est prêt.
C’en était assez de cette cérémonie macabre, il fallait tourner la page. Quinze années de deuil, c’était largement suffisant. Il était temps de vivre la vie et de se détacher des ombres du passé.
Jusqu’à l’année prochaine.
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