Si certaines personnes appréciaient la solitude, ce n'était pas vraiment le cas d'Adélaïde. Quand c'était par de la bonne compagnie, elle aimait se sentir entourée. Bien sûr, elle sélectionnait méticuleusement ceux qui étaient dignes d'elle. Avec étonnement, elle s'était rendue compte qu'il y avait tout de même un nombre important de personnes intéressantes dans son monde. Si on négligeait le nombre incalculable de ceux qui étaient infréquentables, il restait quelques perles. Dilys en faisait partie.

 Les deux jeunes femmes s'étaient rencontrées à Poudlard et avaient vite lier une forte amitié qui s'était intensifiée avec le temps. Malgré les années fuyantes, elle ne perdaient pas contact ni ne s'éloignaient. La jeune Nott savait qu'elle pouvait compter sur elle, et inversement. On pouvait croire que c'était chose rare chez deux anciennes serpentards, mais même ceux qui provenaient de cette maison savait aimer. Mal, la plupart du temps, mais ils n'en étaient pas incapables pour autant. Il y avait des exceptions, comme partout, mais ce n'était pas la généralité.

 C'était donc la descendante Prewett, qu'en cette soirée de janvier, elle attendait patiemment aux Trois Balais. En souvenir de leurs études, elles s'y retrouvaient souvent. Les moments qu'elle revivait ici étaient joyeux, empreints d'une douce nostalgie. Ces rendez-vous étaient toujours l'occasion d'avoir une agréable conversation, la veille comme à ce jour, dans le passé comme au présent.

  La brunette étant arrivée en avance, elle demeurait encore seule. Cela ne la dérangeait pas, elle savait ne pas s'ennuyer ; il lui suffisait d'observer les gens, ce qui lui rappelait à quel point il y avait des êtres misérables. Tout en faisant retentir le bruit de ses ongles contre la table en bois, elle jeta un regard désinvolte à la salle. Elle jugeait leurs accoutrements, plus ridicules les uns que les autres. N’avaient-ils aucun bon sens ? Ou cela les amusait-il d'être si pitoyables ? Ricanant intérieurement, elle laissa un sourire hautain étirer ses lèvres.

 C'était une habitude pour elle de se sentir supérieure, presque un besoin. Pendant longtemps, elle ne s'était pas définie autrement que comme une noble sang-pur. Qu'aurait-elle été si elle n'avait pas eu cela ? Encore, elle avait du mal à s'en détacher ou se considérer autrement, elle avait toujours besoin de retrouver ce rôle. C'était inconscient, bien sûr, mais toujours bien présent. Alors elle riait, s'élevant dans ses critiques acerbes.

 Une voix interrompit ses moqueries muettes.

 "- Je peux vous servir quelque chose, mademoiselle ?

 Tournant la tête vers le serveur qui l'avait interpellé, elle le regarda à son tour un instant. Lui n'avait pas eu droit à son petit examen. C'était pourtant un parfait spécimen : visiblement plutôt pauvre, au service des autres, soumis à leurs désirs. De plus, sa tenue témoignait d'autant plus de son cruel manque de moyens, et ses cheveux luisants de graisse qu'il ne savait pas se laver.

 - Deux whiskys pur feu, commanda-t-elle sans cacher son mépris."

L'homme s'en retourna après avoir acquiescé, sans la reprendre sur son ton impertinent. Ainsi, quand Dilys la rejoindrait, elles auraient de quoi convenablement commencer la soirée.
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 Le serveur lui amena ses boissons après quelques instants, et elle les paya sans un regard pour l'employé. Il essaya bien de se montrer aimable, mais c'était vain. Voilà un comportement qu'elle n'arrivait pas à comprendre ; pourquoi donc certaines personnes s'obstinaient-elle à vouloir se ridiculiser de la sorte ? Aimaient-elle qu'on les méprise comme elle le faisait ? Étaient-elles dont si stupides pour elles-même se rendre pitoyables ?
 
 Ne trouvant pas de raison tangible, elle se perdit dans la contemplation du liquide ambré. Les remous de l'alcool savait la fasciné ; elle pouvait presque les considérer comme une oeuvre d'art. Les pigments mouvant formaient différentes teintes aux nuances changeantes. Une goutte se liait à une autre pour créer un nouveau reflet doré, ou la quittait pour assombrir le mélange de quelques ombres chocolat. c'était tout un panel de couleur interactif qui s'offrait à elle, éphémère et indépendant.

 Bien vite, Dilys arriva, la sortant de sa rêverie. Son élégance naturelle était particulièrement frappante en ce milieu miteux. Cela créait un contraste important qui la rendait d'autant plus gracieuse. Quand elle aperçut son amie, Adélaïde laissa se peindre sur son visage un large sourire empli de sincérité (chose peu habituelle chez elle). La jeune femme s'assit en entamant la conversation d'un ton léger.

 « - Vous êtes très en beauté aujourd'hui, mademoiselle !

 - C'est donc la merveilleuse personne que vous êtes qui me fait l'honneur de m'offrir ce compliment ? Surenchérit sa compagne avec un rire discret.

 Ces plaisanteries étaient une sorte de jeu entre elles, et comme cela faisait trop longtemps qu'elles ne s'étaient pas vues, il fallait bien qu'elles se rattrapent. Il y avait également une autre activité à laquelle elles s'adonnaient avec passion : se raconter tout ce qu'il se passait dans leurs vies. Le plus souvent, elles commencer par les fioritures de leurs existences avant d'évoquer leurs véritables péripéties -quand il y en avait.

 - Je t'ai pas raconté ! Repris l'auror. J'ai failli devenir borgne à cause d'une de ces fichues notes de service envoyée par un employé du Département de contrôle et de régulation des créatures magiques qui me complimentait sur mon apparence et mes longs cheveux brillants. Désolée, mais il fallait vraiment que je te raconte ça ! Tu aurais vu ma tête quand je l'ai lue !

 Adélaïde eut un ricanement hautain. Sa compère n'avait pas besoin dans sa vie d'un homme qui n'était même pas capable de venir la voir directement pour lui parler. Et cet employé était, qui plus est, probablement un miséreux qui n'avait aucune valeur. Rien de bien considérable en somme. Rien qui ne soit à sa hauteur. La brunette prit à son tour la parole.

 - Ce n'est sûrement pas toujours facile d'être de la sorte entourée d'incapables ... Ne serait que l'auror-en-chef, j'ai eu d'assez mauvais retours sur elle.

 Elle eu un léger mouvement de tête entendu pour ponctuer ses dires.

 - Sinon, Edward devrait rentrer bientôt, il va se faire interviewer par un journaliste, alors il devra se préparer. Mais je crois qu'il ne compte pas s'éterniser. Ses recherches pour trouver un véritaeérum plus performant avancent bien. Enfin, il me semble ...

 La jeune femme voyait bien peu son mari, mais cela ne la dérangeait pas. Au contraire, elle aimait rester libre. Que celui-ci passe son temps à voyager se révéler en vérité être très pratique. S'ils en avaient le statut, leur relation n'était pas celle d'un couple. Ils se permettaient de se considérer comme célibataires. Ou, c'était du moins ce qu'en concluait la sang-pur, sans en avoir vraiment parler avec l'homme pourtant tout autant concerné qu'elle.

 - J'ai aussi entendu dire qu'Ulysse devrait revenir habiter par ici. Je n'arrive pas à y croire, ça me semble tellement insensé. J'espère que ce n'est que des commérages.

 Ulysse avait été son amant quelques semaines durant, un sang-mêlé, mais avec une bonne situation. Elle passait de merveilleux moment avec lui et l'appréciait énormément, mais alors qu'elle commençait à s'attacher à lui, elle avait apprit qu'il défendait la cause des sang-de-bourbes. Elle était alors rentré dans une rage folle et avait refusé de le revoir. Comme cela n'avait pas suffi à calmer sa colère elle avait également copieusement sali sa réputation auprès de tous ses contacts, et ils se révélaient nombreux, l'obligeant à déménager pour se refaire une image. Désormais, elle ne voulait plus rien avoir à faire avec lui.

 Voyant que Dilys avait déjà entamé son verre, elle leva quelque peu le sien en l'approchant d'elle. Il fallait qu'elle pense à autre chose.

 - Trinquons ? »
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Avant de changer de sujet, Adélaïde avait songé un moment aux paroles de son amie. Je ne te le fais pas dire ! Malheureusement les retours que tu as eu sur elle sont véridiques, cette femme ne vaut strictement rien. Je te passe les détails, rien ne sert de s'énerver, avait confié Dilys quand à l'auror-en-chef. Elle ne pouvait s'empêcher de s'indigner une nouvelle fois des choix déplorables que faisait le Ministère. Leurs décisions faisaient de plus en plus régresser leur société, et il était temps de la redresser. Restait à trouver comment le faire subtilement, sans faire de vagues, mais efficacement. Elle préféra ne rien en dire, ce n'était ni le lieu, ni le moment.

"-C'est bien alors, il a le vent en poupe à ce que je vois ! 

C'était le moins qu'on puisse dire. Il était incapable de rester plus d'un mois au même endroit, sauf s'il avait une excellente raison à cela. Et sa femme n'en faisait certainement pas parti. Cela ne la dérangeait en aucune manière, il n'était pas pour elle non plus un ancrage.

- J'espère aussi que ce ne sont que des commérages, en tous cas nous le saurons bien assez tôt…

Adélaïde haussa les épaules, comme si cela n'avait pas le moindre impact. Ce serait dur si elle devait le revoir, mais elle ne laisserait rien paraître. Quoi qu'elle en dise, la rupture n'avait pas été simple, bien au contraire. Elle avait joué à faire l'indifférente en mentant avec brio. L'avait-elle aimé ? Elle était incapable de le dire. En tous les cas, elle ne pouvait nier qu'elle y avait été affreusement attachée.

Personne ne le savait, sauf ceux qui la connaissait vraiment, et ils étaient rares. Et la seule à laquelle elle s'était directement confié, c'était Dilys. Elle était sa meilleure amie, un véritable pilier. Si elle ne s'avait à qui s'adresser, ou où aller, elle avait la Prewett.

- S'il ose vraiment revenir, il repartira aussi vite, c'est aussi simple que ça.

Elle avait pu paraître sèche mais c'était uniquement parce que le sujet la dérangeait. Enfin, elle ne pouvait s'en plaindre, c'était elle qui en avait commencé à en parler.

Suite à son invitation à trinquer, elles avaient bu une généreuse gorgée de leur wishky.

- Et de ton côté ? L'apothicaire marche bien ? 

- C'est à dire que je ne sais pas vraiment ce que cela représente ... C'est dans le positif. Après, ce n'est qu'une activité. L'argent que cela me rapporte, je n'en ai pas besoin, j'ai tout ce que je veux grâce à ma famille et même à ma belle-famille, alors ...

Elle fit un geste évasif de la main, avant d'avoir un sourire. C'était le moment de passer aux choses vraiment intéressantes. En un geste assuré, elle vida son verre d'un trait. S'accoudant, elle posa son menton sur sa main.

- Alors, et niveau cœur ?"

Elle allongea volontairement la dernière syllabe du mot. Peut-être l'alcool commençait-il à lui monter à la tête ...
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Répondant à sa question, Dilys ne semblait plus vraiment à l'aise. Il était certain que ce n'était pas sujet de conversation favoris. Adélaïde l'oubliait parfois, parce qu'elle savait que son amie n'avait pas à s'en faire. Tous les problème qu'elle connaissait de ce côté-ci se résorberait du moment où la Prewett le déciderait vraiment. C'est pour cette raison qu'elle n'était pas inquiète et aimait la pousser dans ses retranchements.

« - E..euh, tu sais au point où j'en suis...Trouver un gars sympa de nos jours c'est pas facile, alors je préfère me dire que je ne mérite peut-être pas l'amour.

L'apothicaire éclata de rire. Déjà, les paroles de son amie était insensée. De plus, elle prenait tout ça bien trop au sérieux.

- Oh, je ne parle pas d'une chose aussi ennuyante que l'amour ! Qui se soucie de ça ? Il vaut mieux négliger ce sentiment infâme. Mais … Il est possible de seulement s'amuser … Flirter, se mettre avec quelqu'un – peut-être –, comme un jeu. Ce n'est que l'histoire de quelques moments, dîners éphémères et brèves sorties. Tu les saisis et ils t'échappent. Ils viennent à toi et tu les lâches. Hop ! Disparus dans la complexité du temps.

De quoi parlait-elle donc ? Des hommes, de ces moments ? Elle n'aurait su le dire, et pour dire vrai, ne se posait même pas de question. Tout ce qu'elle voulait, c'était qu'elles vivent sans désagréments trop importants, se contentant de prendre ce qui leur arrivait de bien. Se penchant vers sa compagne, elle chuchota.

- Qu'est-ce que tu penses de celui derrière moi ? Je suis sûr qu'il te paierait bien un verre.

En parlant, elle avisa leurs propres boissons qui étaient vides.

- Avant que l'on parte, je veux que tu ais donné l'adresse de ta volière au moins une ou deux fois ! Sinon je m'en occupe toute seule. »

Elle interpella alors la serveuse pour une nouvelle commande. La soirée était loin d'être finie.
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