La jeune femme marchait fièrement dans les ruées bondées. Méprisant les gens qui l'entouraient, elle avançait en leurs jetant quelques regards hautains, sans prêter grande attention à eux pour autant. Ils étaient de pathétiques des vermisseaux qui ne valaient rien pour la plupart. Certes, il devait bien y avoir quelques personnes acceptables, mais elles se noyaient dans ce flot de miséreux. Tous plus ridicules les uns que les autres avec leurs accoutrements trop humbles et leurs idées laxistes révoltantes. Comment pouvait-elle accepter leur existence ? Ils la répugnaient.

Elle prenait bien garde à n'avoir de contact avec qui que ce soit, sa chevelure brune ondulant dangereusement autour d'elle. Son doux visage se faisait menaçant. Jusqu'à ses yeux perlés on pouvait ressentir cette haine qu'elle ne cachait pas. Son attitude était une mise en garde, une barrière tout aussi défensive qu'offensive. Si cela en effrayait une grande partie, quelques uns au contraire l'en admirait. Elle voyait leurs regards, expressions particulières, et les écrasait de ses pupilles d'acier. On aurait pu la croire incroyablement désagréable, et pourtant, ce n'était même pas le cas. Enfin, pas nécessairement. Elle savait sourire et se montrer avenante. Elle savait être joviale et insouciante. Elle savait haïr comme elle savait aimer. Passionnément, outrageusement, apocalyptiquement.

Il faisait froid, mais ce ne'st pas ce qui allait la perturber.. Sentir la neige agonisante sous ses souliers onéreux, un air glacial faire danser ses mèches et de subtils flocons venir heurter ses vêtements lui plaisait. Entre les éléments, elle se sentait vivante.

Finalement, elle s'arrêta à la terrasse d'un café, allumant une cigarette. Elle admira quelques secondes le petit objet qu'elle tenait entre ses doigts fins, avant d'en inspirer une longue bouffée, qu'elle évacua en un nuage de fumée. Alors qu'elle allait interpeller une serveuse pur pouvoir commandé, une jolie sorcière vint s’asseoir en face d'elle. Si son visage lui était familier, ce n'est pas pour autant qu'elle la connaissait.

Ce fut l'inconnue qui parla la première, déclarant qu'elle avait l'impression de la connaître. Sentant à sa voix qu'elle n'attendait pas particulièrement de réponse, la Nott se contenta d'attendre que celle qui avait parlé reprenne. Elle passa une main dans ses cheveux pour les remettre en place. Elle aussi se souvenait avoir vu la sorcière, mais ne se rappelait pourtant rien d'elle. Ni son nom, ni les circonstances, ni le contexte temporel ne lui revenait. Elle creusait en sa mémoire quand les paroles prononcées par son interlocutrice la firent imperceptiblement sursauter.

"- Rosier ! Bah voyons, qu'est-ce que tu fais là ?"

Adélaïde éclata de rire. Cela faisait tellement longtemps qu'on ne l'avait pas appelé par son ancien patronyme ! C'était d'ailleurs une chose qui lui manquait. Elle aimait son passé, au point de se l'être gravé dans la peau. Qui qu'elle était, la jeune femme ne l'avait pas vu depuis un bon moment pour ne pas connaître son changement de statut et n'avoir su pour son mariage. Elle décida de ne pas le révéler, menant tout d'abord sa propre investigation.

- Effectivement, il faut croire qu'on s'est déjà vu, répondit-elle en prenant une nouvelle bouffée qu'elle lui souffla presque au visage, la fumée caressant sa joue. Le petit problème, c'est que moi, je suis incapable de me remémorer d'où ... Tu m'éclaires ?"

Elle n'avait pas besoin d'été subtile, celle qui se tenait devant elle lui semblait plutôt franche. Autant tenter de faire de même pour obtenir ses informations.

"- Poudlard, Salle commune des Serpentards, lui répondit simplement sa voisine de table.

Cela lui revenait désormais ; la petite sorcière s'était elle aussi promenée dans les couloirs de l'école. Elle était cependant plus jeune, si elle ne se trompait pas. S'il y avait bien une chose qui avait changé, c'était qu'elle était désormais très froide. N'était-elle pas plus souriante quelques années auparavant ? Peut importe à vrai dire, c'était le présent qui comptait.

Une nouvelle fois, elle ne prit pas la peine de répondre, n'en ayant de toutes manières pas l'occasion. Une serveuse arriva, prenant leurs commandes. Elle ne pu s'empêcher de remarquer que l'ancienne serpentard avait affiché à l'employé un visage radieux, ce à quoi elle-même n'avait pas le droit. Ridicule quand on avisait son rang. N'y portant pas plus attention, elle réfléchit à ce qu'elle allait commander. Qu'elle heure était-il déjà ? Aucune importance. Alors que l'autre jeune femme avait demandé un capucino, elle ordonna à son tour :

- Un hydromel aux épices.

Elle observa la sorcière partir avant de reporter son attention sur celle qui se tenait en face d'elle. Désormais, elle tenait un journal et avait jeté son mégot dans le cendrier qui se tenait au centre de la table. Adélaïde laissa, elle, sa cigarette choir au sol tout en écoutant la question qui lui était posée.

- Bon alors, qu'est-ce que tu fais ici ?

Elle eu un soupir songeur.

- Je suis censée m'occuper de ma boutique, mais je n'étais absolument pas d'humeur ce matin. Les clients attendront. Et puis j'ai mieux à faire. Je ne sais pas encore quoi mais ... Je vais trouver. Et toi ? Tu es plus inspirée ?"

Elle la laissa à peine répondre qu'elle enchaîna en l'interrogeant sur son nom quelle n'avait toujours pas retrouvé.

L'inconnue avait désormais un nom : Lena, Lena Davis. Adélaïde le cala dans un coin de son crâne, essayant de le retenir. Cette Lena l'informa en suite de la profession qu'elle occupait.

"- Mh, je suis potioniste et présentement, je suis ton « mieux à faire ».

C'était un beau métier ... Le sien, et celui de son mari entre autres. N'ayant pas envie de s'étaler trop sur sa vie, elle se contenta de se taire dans un hochement de tête presque admiratif. Peut-être l'évoquerait-elle au cours de la conversation.

Le silence n'eut pas le temps de s'installer que la cadette lui posa une nouvelle question.

- Tu tiens quoi comme boutique, Rosier ?

Rosier. C'était fou comme elle appréciait qu'on la nomme ainsi. Elle avait l'impression de redevenir la gamine quelle avait été. Si elle ne regrettait pas cette période, elle ne pouvait s'empêcher d'en être nostalgique. Ce sentiment étrange s'emparait d'elle en un léger pincement au cœur, un agréable rappel amer d'une période passée qu'elle ne retrouverait jamais.

- Oh, L'apothicaire. Si tu décides de t'y fournir, envoi-moi un hibou d'abord ou tu risques de trouver les grilles fermées. Enfin, j'ouvre bien, de temps en temps ...

Elle finit sur un sourire léger, alors même qu'on leur amenait leur commande. Sans accorder un regard à la serveuse ou la moindre attention, elle posa quelques mornilles sur la table.

Elle mena son hydromel à ses lèvres et en bu une délicate gorgée, tout en avisant le café de sa voisine.

- Mais c'est qu'on est une petite joueuse ...

Sa moue taquine se radoucit tandis qu'elle continuait.

- Sinon, ça t'arrive souvent de venir aborder des inconnues sans raison apparente ?"

Quitte à avoir une discussion, autant qu'elle ai un minimum d'intérêt.

Pour expliquer le fait que sa propre boisson ne contienne pas d'alcool, Lena avait avancé avoir besoin de se remettre de la veille, ce à quoi l'alchimiste avait explosé de rire. Cela lui faisait penser à elle-même, dans sa boutique, avec le cerveau en bouillie informe qui tentait de combattre comme il le pouvait sa migraine. Le plus souvent, elle était dans un tel état qu'elle ne pensait même pas à utiliser quelque chose pour effacer le désagrément. Et cette situation lui arrivait ... Un peu trop fréquemment, disons. Elle était une grande fêtarde.

La plus jeune répondit en suite à sa deuxième question.

- J'avais une raison. J'étais fatiguée, j'avais EXTREMEMENT besoin d'un café. Puis ne me dit pas que ma présence te déplaît ?

Quelle assurance ! Même Adélaïde n'en affichait pas tant. Ce n'était, certes, pas qu'elle en possédait moins, mais cela lui arrivait de faire preuve de retenue. Elle préférait bien souvent faire profil bas, observer et duper pour mieux frapper.

Une chose qui la caractérisait également était son aptitude à vite se lasser. Des gens, des situations, des discussion. Elle avait besoin de surprise et d'inattendu, d'être elle-même un électron libre dont on ne pouvait connaître la destination. Elle savait être plus calme et sereine, mais seulement quand elle aimait sincèrement quelqu'un et qu'elle était certaine que c'était réciproque. Autrement, elle jouait avec la vie. Buvant encore la moitié de son verre, elle se pencha légèrement en avant.

- Comment peux-tu être si sûre que je ne suis pas en train de te maudire d'avoir rompu ma quiétude de la sorte ? Peut-être que je te déteste sans même te connaître ...

Marquant une pause, elle se leva.

- Ce serait dommage, n'est-ce pas ? Je suis certaine qu'on peut passer du bon temps avec toi. Alors ... Reposes-toi ce matin, et prouve le moi. Tu sais où me trouver, ajouta-a-t-elle en lui tendant le morceau de journal où elle avait griffonné son adresse. [b]Je t'attend pour quatorze heures. Sors-moi donc de ces quatre murs.[b]."

Finissant sa boisson, elle s'éloigna sans se retourner. Il semblait qu'elle ai trouvé la parfaite distraction pour la journée.