Les Liljeback étaient plutôt connus dans le coin. En plus de leur petite maison, ils y tenaient une auberge « Le Luth et le Chaudron », endroit réputé dans la région pour son côté chaleureux et festif. L’on y mangeait bien, buvait bien mais le repos n’y était pas vraiment tranquille. Katerina Liljeback, la fière gérante de ce succès local, était aidée de deux apprentis. Quant à son mari, Wladyslaw Liljeback, il était une éminence dans le cercle des historiens sorciers. Ses voyages à l’étranger le conduisaient souvent à s’absenter du logis et lorsqu’il rentrait, il passait de longues heures à étudier derrière son bureau. Mais l’homme plein de charisme qu’il était ne manquait jamais d’animer vivement les diners mondains qu’il organisait dans l’auberge en présence de sa femme et de son fils. Bien souvent, les personnes qui y assistaient étaient des invités de marque. Des personnes qui faisaient « avancer l’Histoire » et qui pouvaient donc séjourner temporairement dans l’auberge. On y trouvait de tout : des hommes politiques, des journalistes, des compagnons d’aventure ou des spécimens très étranges qui venaient parfois de loin pour visiter les environs.
En grandissant, Lazarus aimait de moins en moins le fait de vivre à côté d’une auberge. Entre les allées-venues des clients, la musique et les beuveries, l’environnement était bien trop bruyant pour pouvoir vivre paisiblement. A 9 ans, il commença à passer une grande partie de son temps enfermé dans sa chambre, à grignoter les plats préparés par sa mère tout en lisant les nombreux ouvrages d’Histoire de son père. Lorsque ce dernier était absent, il avait accès à tous ses livres. C’est ainsi qu’il se prit de passion pour les longues épopées épiques et les récits mythologiques d’autres temps. Il commença également à se rendre seul en ville et à se promener dans les bois lorsqu’il ne neigeait pas trop. C’est par un jour ensoleillé qu’il y fit une rencontre surprenante. Au bord d’un lac se trouvait une fille de son âge, les cheveux d’un blond vénitien et le visage constellé de tâches de rousseurs. Penchée au-dessus de l’eau, elle essayait d’attraper des têtards, mais les petites bêtes lui filaient entre les doigts.
- Attends, je vais t’aider, lui dit Lazarus.
Dans un premier temps, la fille ne lui répondit pas tout de suite. Elle semblait captivée par ce qu’elle faisait, jusqu’au moment où Lazarus sorti une grosse corne de vache creuse et la passa juste sous son nez.
- Eh, tricheur ! lui cria-t-elle.
- J’ai pas triché, je t’ai aidé !3 petits têtards se débattaient dans l’eau, au milieu de la corne. C’est là que Lazarus croisa le regard de la fille en question.
- Qu’est-ce que tu as sur le visage ? lui demanda-t-elle d’une petite voix.
- Ça, c’est des peintures de guerre, lui répondit-il en rougissant légèrement.
- Pff, les garçons sont tous les mêmes ! elle éclata de rire.
- Ce n’est pas marrant ! Plus tard, je serais un valeureux guerrier !La complicité entre les deux enfants s’installa rapidement à mesure qu’ils se donnaient rendez-vous chaque soir devant le lac. Ils y passèrent de bons moments, allongés sur le dos à contempler les étoiles. De temps à autre ils s’échangeaient des regards plein de tendresse et se tenaient la main comme deux inséparables. Mais l’idylle prit fin peu avant que Lazarus n’atteigne ses 11 ans.
Son père revenait d’un voyage en Egypte et pendant son absence, Lazarus était tombé sur des livres qu’il avait cachés dans sa chambre. Il savait très bien que cela était interdit de s'y rendre et son père s’aperçut vite qu’ils n’étaient plus à leur place après avoir remis un peu d’ordre dans ses affaires.
- Lazarus ?!- Quoi ?- Pourquoi mes livres sont sur le bureau alors qu’ils sont censés être sur la deuxième étagère dans la troisième armoire ?- Je ne sais pas, demande à ce crétin d’elfe de maison.- Qu’est-ce que tu as sur le cou ? Laisse-moi voir.Il eut un mouvement de recul lorsqu’il y vit un tatouage d'Alchimie.
- Ce sont des flammes noires. Quoi ? Je n'ai pas le droit de m'intéresser à l'Alchimie ?- Et le livre de Magie Noire ? Qu'en as-tu fait ? Tu l'a lu aussi ?- Oui papa, lui répondit-il impatiemment.
Je vais aller étudier à Durmstrang dans quelques mois, alors autant prendre de l'avance.Le soir-même, il eu droit à un sermon de la part de ses parents.
- Non, non et non ! Tu n’iras pas à Durmstrang. Mes parents ne m’ont jamais laissé étudier la Magie Noire et je ne le fais qu’à titre historique. Tu iras à Poudlard, comme moi, comme ta mère l'avons fait !- Nous nous sommes mis d’accord sur ce point Lazarus, nous sommes désolés de ne t’en parler que maintenant. Tu te feras beaucoup plus d’amis à Poudlard, tu verras. Au moins, cette école accepte tout le monde, même les nés-moldus.- Tout à fait ! Au moins, il n’y a pas de discrimination sordide dans cette école. Ni de fichue Magie Noire !Choqué par ces révélations, Lazarus fugua le soir même. Ça ne changeait pas vraiment d’habitude à vrai dire, sauf que cette fois-ci il comptait s’aventurer bien plus loin que les premiers pâtés de maison. Il s’était d’abord enfuit dans le centre-ville sur la place du marché. Ne sachant pas vraiment où aller, il était rentré dans une salle de théâtre et s’était fait arrêter par le gardien à l’entrée.
- Tu as quel âge, toi ? Tu as ton billet ?- Non, je…- Laissez ce jeune garçon tranquille, il m’accompagne, dit un grand monsieur aux cheveux longs et aux lunettes de soleil rondes en s’interposant. Il n’y avait pas de soleil, mais c’était peut-être sa façon de voir la mode. Ou de passer incognito en public. A y regarder bien, l’homme avait deux poches sombres sous les yeux. Lazarus arrivait à les percevoir à cause de sa petite taille mais prêta plutôt attention sur le reste.
L’homme en question tenait une canne élégante, taillée sans doute dans un bois très rare avec un pommeau en argent représentant une tête de sphinx. Il avait un long manteau de velours noir avec de fines broderies en argent, un châle en soie rayé et une grande quantité de bagues aux doigts. Bizarrement, au lieu de prendre ses jambes à son cou, Lazarus se senti comme rassuré par sa présence. L’homme lui fit un clin d’œil complice avant de l’entrainer à l’intérieur de l’édifice, laissant le gardien cloué sur place. Probablement par un sortilège.
Lazarus le suivi jusque dans la salle de théâtre où il s’installa à ses côtés. Il était resté silencieux, contemplant la scène éclairée par de nombreux spots, jusqu’au moment où l’homme décida de rompre le silence.
- Enchanté, je m’appelle Cain.- Moi c’est Lazarus.- Lazarus Liljeback. Ce n’est pas un prénom qui court les rues en Norvège. J’ai déjà entendu parler de ton père, Wladyslaw. C’est un historien très célèbre, même si je ne l’apprécie pas particulièrement… Tu aimes le théâtre ?- Euh… Je ne sais pas, je n'y suis jamais allé. Mais, vous n’allez rien dire à…- A tes parents ? Non, bien sûr que non. Reste tranquille, je te raccompagnerais jusqu’à chez toi après. Il serait quand même dommage de manquer une si belle occasion de profiter d’une des meilleures pièce de théâtre de la Norvège.Lazarus se contenta d’hocher la tête, les yeux toujours rivés vers le grand rideau rouge, jusqu’au moment du levé. La foule accompagna l’entrée des acteurs sur la scène d’une salve d’applaudissement tandis que ces derniers se pavanaient dans de magnifiques costumes bariolés en dentelle et en soie. Le jeune garçon se mit aussi à applaudir, impressionné.
- Incroyable, n’est-ce pas ?- C’est magnifique et étrange à la fois.La scène de théâtre se déroula merveilleusement, dans une explosion de couleurs et de dialogues poignants. A la fin, les acteurs s’étaient rassemblés autour d’une table en milieu de scène, dans une posture mélodramatique. Une femme y était allongée les bras en croix.
- Apportez le calice et la lame de Kandari !- Nous allons vivre pour l’éternité ! scandèrent-ils tous en chœur.
Lazarus s’était rapproché dans son siège, une main plaquée sur la bouche tandis qu’un servant s’agenouillait devant le grand homme drapée d’une cape violette. Mais avant de voir la dague s’abattre sur la jeune femme, il se leva aussi vite qu’il le pu. La main de Cain tenta d'attraper son bras mais le manqua de peu. Le gardien venait de surgir dans la salle, criant son nom, son père à ses côtés.
- Lazarus ! Ah, il est là, monsieur Liljeback !Puis un éclair vert fusa dans la salle, passa juste au-dessus de son oreille et frappa le fauteuil vide d'en face.
- Je vous retrouverais Wladyslaw ! s'écria Cain avant de s'enfuir. Puis il disparu comme par magie.
L'historien arriva en courant aux côtés de son fils, le visage blême. Les spectateurs s'étaient mis à courir vers la sortie.
Sur le chemin, Wladyslaw traina son fils avec poigne jusqu'à leur maison. Il ferma la porte d'entrée derrière lui, le visage toujours aussi blanc qu'un linge.
- Ce qu’il vient de t’arriver est très grave, dit Wladyslaw en interrompant les pensées vagabondes de Lazarus. Tu allais te faire mordre par un vampire, j’espère que tu sais ce que cela signifie ?
- Wladyslaw, ce n'est pas le moment ! protesta sa femme, prostrée près de lui.
– ça signifie que tu invites n’importe qui à l’auberge ! Des politiciens fous, des vélanes, des vampires, et puis la prochaine fois ce sera quoi ? Un ogre ?! Wladyslaw voyait rouge. Comment son fils osait lui répondre, contester l’autorité parentale du haut de ses… presque 11 ans ? Il préféra dévier sa question des invités, trop sensible, trop politique à son goût.
-
- Cette… fille que tu vois en cachette, Erika. Je ne veux plus que tu la vois ! Les sorties seront désormais interdites, et ce jusqu’à nouvel ordre !- Tu ne m’empêcheras pas de sortir si je le veux, quand je le veux ! Je suis grand et suffisamment fort pour pouvoir me protéger ! Je continuerais de fuguer jusqu’à ce que tu le comprennes !- Tu es un petit garçon de bientôt 11 ans et complètement irresponsable. A ton âge, on ne sort pas sans être accompagné de quelqu’un ! Monte dans ta chambre, il ne sert à rien de discuter plus longtemps !- Oh que si, ça sert. Tu nous mets en danger, toi, moi et maman ! Des monstres viennent dormir sous le toit d'à côté, des loups crient à la lune près de notre maison, et toi ça ne te dérange pas ? Non, bien sûr que non, puisque tu préfères voyager aussi souvent que possible loin de cet endroit miteux !Lazarus courut s’enfermer dans sa chambre et claqua la porte derrière lui juste avant de recevoir une gifle monumentale. Il entendit alors ses parents discuter et son père pousser tout un tas de jurons, visiblement très en colère. Il tendit mieux l’oreille.
- Pourquoi un vampire s’en prendrait-il à notre fils Wladyslaw ? Est-ce que tu aurais fait quelque chose qui les aurait contrariés lors de ton séjour en Roumanie ?- Quoi ? Ce séjour ? Non, bien sûr que non voyons. Il ne s’est absolument rien passé ! Ces vampires étaient les plus dociles qu’il m’ait été donné de voir !- Wladyslaw, tu peux tout me dire, tu le sais bien.- Tu me traiterais de menteur ? Voyons, Katerina ! Depuis quand remets-tu ma parole en doute ?Un long silence plana pendant lequel Lazarus fronça les sourcils. La voix de son père sonnait faux, comme lorsqu’il mentait.
- Bon… je… j’ai tué un vampire, l’autre jour. Enfin, j'étais censé l'avoir tué.- Tu as quoi ?! cria Lazarus en même temps que sa mère. Le garçon était sorti de sa chambre comme une tempête.
- J’étais censé avoir tué un vampire avec un pieu ! C'était lui, ce Cain ! Il devait avoir un livre, ou quelque chose dans sa poche pour se protéger. Il... il m'avait attaqué, je n'avais pas eu le choix ! Je ne savait même pas qu'il était encore en vie.Lazarus passa le reste de ses vacances enfermé dans sa chambre par mesure de précaution, avec pour seule compagnie des livres qu’il avait déjà lu et relu. Un vrai régal.
Le jour de son départ à Poudlard, son père semblait avoir développé une forme de paranoïa qui consistait à regarder autour de lui comme si quelqu’un s’apprêtait à lui sauter dessus.
- Quoi, c’est encore ce Cain qui te fait si peur ?- Tu ne sembles pas comprendre fils, les vampires sont des créatures viles et dangereuses. Il sera préférable que tu aille étudier à Poudlard pour ta sécurité, le temps que je règle quelques problèmes de mon côté.Lazarus se tut. Il ne souhaita pas poser de questions à son père sur son fameux voyage en Roumanie, même si elles lui brûlaient les lèvres. Son état mental semblait s’être dégradé et il en venait presque à culpabiliser pour sa fugue. Ses parents lui conseillèrent de le maintenir régulièrement au courant par courrier, ce qu’il fit grâce à son hibou.
Le jour de la cérémonie de répartition, le choixpeau magique avait décidé de l’envoyer à Serpentard. A ce moment, Lazarus ne savait pas vraiment ce qu’il voulait être. Un historien comme son père ? Probablement pas. Pas après tous les ennuis qu’il s’attirait. Un brillant alchimiste ou maitre potionniste ? Pourquoi pas, cela sonnait moins faux dans son esprit.
- Hmm... je vois dans ton esprit un garçon intelligent et avide de savoir. Serdaigle te correspondrait bien mais tu es aussi très ambitieux, un tantinet provocateur. Tu semble avoir des rêves de grandeur plein la tête. Ce sont des qualités que Salazar Serpentard recherchent, tu sais. Alors où vais-je te mettre...- Partout où vous le souhaiterez, mais pas à Poufsouffle, tout sauf Poufsouffle...- Serpentard ! hurla le choixpeau à travers la Grande Salle.
Pendant sa scolarité, Lazarus suivit les cours avec brio, décrochant de bonnes notes aux BUSES et aux ASPIC. Il était un élève qui travaillait durement, ne supportant pas la médiocrité. Il se révéla excellent en Histoire de la Magie, en Potion et en Défense contre les Forces du Mal, ses matières de prédilection. L'enfant turbulent qu'il était changea peu à peu et devint plus mature, plus sûr de lui. Serpentard l'avait aidé à se trouver des alliés de taille et il commença à prendre conscience que les verts et argents n'étaient pas foncièrement méchants comme le prétendaient les autres élèves. Ils étaient justes incompris.
A la fin de sa septième année, Erika qui avait toujours pris soin de garder contact avec lui, venait de finir ses études. Elle le rejoignit à Londres où ils se marièrent. Peu importe ce que pouvait en dire ses parents, elle avait le droit de vivre sa vie comme elle l'entendait.
Peu après leur mariage, Lazarus et elle entamèrent un périple à travers l'Europe pour visiter différents pays et régions. Cela dura deux ans environ, avant qu'ils ne se décident à ouvrir une petite boutique d'apothicaire dans l'allée des embrumes. Pendant ses voyages, le couple avait pu collecter des ingrédients et ustensiles rares qui constitueraient le fonds de commerce de la boutique. Leurs connaissances en potion et en magie noire leur permettaient de discuter avec une clientèle particulière et régulière. Lazarus aimait également parler de l’actualité du monde magique et de certaines découvertes qu’il avait pu faire tout au long de ses voyages à travers l’Europe. Au bout de 5 années passées ensemble, ils eurent leur premier enfant et le deuxième l’année suivante, une fille et un garçon. Mais plus le temps passait, plus Lazarus était désireux de voyager à nouveau. Il fallait bien sûr, continuer d’alimenter la boutique et de ce fait, il décida d’entreprendre plusieurs périples étalés sur chaque année. Ses voyages de plus en plus récurrents le conduire à s’éloigner de sa famille et à se désengager de son rôle de père. Lorsqu'il alla en Norvège pour s'assurer que ses parents allaient bien après tant d'années, il du passer par la forêt pour atteindre l'auberge. Malgré toutes les précautions prises pour éviter le danger qui y rôdait, car dieu seul savait quels individus séjournaient à l'auberge ces temps-ci, il se fit mordre par un loup-garou. Il le repoussa juste avant que la bête ne décide d'en faire son festin, avec un sortilège lancé en pleine gueule. Blessé et fiévreux, Lazarus boita jusqu'à l'édifice. A son arrivée, ses parents avaient tout de suite appelés des médicomages, mais c'était trop tard. Le loup-garou s'était déjà installé en lui.