Aaaahh, le Chemin de Traverse ! Le Paradis des sorciers en se qui concerne le shopping. Je n'aime pas trop me mêler à la foule en temps normal mais là je n'ai pas trop le choix, je dois également faire des emplettes. Antarès a renversé tout mon stock d'ingrédient pour mes potions... J'adore ce serpent mais par moment, il m'énerve un peu. Cent Gallions d'ingrédients quand même...

Bon, ce n'est pas grave ! Je viens de refaire le plein (en passant par l'allée des Embrumes aussi parce qu'il me fallait quelque herbes qui ne sont pas en vente dans les commerces "normaux") et je suis assez content. Par contre, dès que je serais rentrée, je construirais une étagère plus solide avec des barreaux pour qu'Antarès ne monte pas dessus !

J'ai faim. Et Antarès aussi... Heureusement que j'ai préparé de quoi manger en partant. Si j'avais oublié, j'aurais été obligé d'aller au restaurant, et je n'aime pas trop ça : Les sorciers sont... bruyants et parfois un peu trop à mon goût (même si je les aime bien en règle générale) et les moldus n'acceptent pas les serpents de compagnie (en même temps, je ne suis pas assez idiot pour sortir Antarès dans le monde moldu mais j'aime manger avec lui).

Alors, au menu : viande tartare avec des pâtes pour moi (mon plat favori) et des rats pour Antarès (son plat favoris). J'ai trouvé un coin bien tranquille, juste bien placé pour observer les passants. Mais l'analyse se fera après le repas (respectons la nourriture !).

Je savoure ce moment de calme autant que le plat. Antarès aussi l'air content. Il est lové sur mon épaule, juste à la bonne hauteur, devant son assiette qui lévite. Il porte toujours sa serviette autour du cou (au départ, c'était un pari avec un ami mais finalement Antarès préfère manger avec...).

[quelques minutes plus tard]

Bon, c'était délicieux ! Il ne reste plus qu'a débarrasser !

- Evanesco.

Voilà, la vaisselle est faite. Je suis tenté de faire une sieste mais je ne suis pas assez bien placé. Mon dos n'est pas à découvert mais quand même on ne sait jamais. Je vais plutôt prendre le temps de respirer tranquillement. Aaaaahhh, j'aime le calme !

Ah, mai ! Ce mois propice aux récoltes et à la naissance de certaines plantes en particuliers. Des plantes que l’on ne trouve guère dans les marchés communs des Moldus, il fallait bien le dire. Ou alors dans certaines anciennes boutiques d’herboristerie. Malheureusement, cette coutume moyenâgeuse se perdait au fur et à mesure des âges. Fut un temps, peut-être, où Hécate aurait été considérée comme une sorcière et aurait fini son existence sur un bûcher. Bien sûr, il y aurait eu une partie dans vrai dans ces accusations puisqu’elle en était véritablement une. Quant à finir son existence sur un bûcher… l’esprit de la jeune femme était suffisamment retors pour lui permettre d’échapper à la mort de cette manière. En faisant accuser quelqu’un d’autre à sa place, par exemple. Après tout, les femmes médecins accusés de sorcellerie étaient monnaie courant à cette époque.

Toujours est-il qu’en cette période de modernité et loin des superstitions de l’ancien temps, la jeune guérisseuse avait été mandatée par son supérieur hiérarchique afin d’aller retirer une commande. Si elle avait accepté sans discuter, c’était principalement parce que cela l’arrangeait tout autant – elle avait un colis précieux à récupérer de sa dernière commande – mais aussi parce qu’elle respectait cet homme qui avait vu en elle un grand potentiel, et qu’il savait comment lui parler sans la courroucer.

Aussi Hécate se trouvait-elle donc en cette belle matinée au Chemin de Traverse. Nyx, son corbeau et précieux compagnon qui était ses yeux et ses oreilles où qu’elle aille, lui ouvrait la voie en volant à quelques mètres de hauteur avant de se poser sur l’enseigne de l’herboristerie. Sa maîtresse y entra quelques minutes plus tard. Patientant sur sa zone d’observation, l’oiseau garda un œil sur les nombreux sorciers et sorcières qui circulaient dans la rue. Puis, une vision aiguisa son esprit joueur et taquin propre à son espèce : un serpent. Si l’animal avait été une chouette ou un hibou, il se serait amusé tout autant en essayant de lui attraper les plumes de queue avec le bec pour le taquiner. Mais là, il s’agissait d’un serpent. Un autre et nouveau défi.

S’envolant de l’enseigne, le corbeau alla d’abord se poser sur le rebord de la table du restaurant. Il jaugea un instant le sorcier qui semblait être le maître du serpent sur son épaule, puis sautilla brièvement en direction du fameux reptile. Reptile à qui il chercha à prendre la serviette par léger coup de bec visant le bien convoité. Pure taquinerie. Si bien qu’il ne vit pas l’ombre qui se profilait derrière lui.

— Nyx, ça suffit.

Les bras portant quelques précieux paquets soigneusement emballés, Hécate observa son corbeau joueur en notant pour elle-même qu’elle devrait davantage lui dégourdir les ailes. Cela lui permettrait sans doute d’arrêter d’aller enquiquiner son monde quand il s’ennuyait. L’oiseau cessa aussitôt de tenter de prendre la serviette du serpent et s’envola sur l’épaule de sa maîtresse, lui ébouriffant vaguement les cheveux au passage.

Les yeux saphir de la jeune femme se posèrent sur le sorcier et maître du serpent.

— Je vous prie de l’excuser, elle est très caractérielle et taquine quand elle s’ennuie. J’espère qu’elle ne vous a pas causé trop de soucis, monsieur… ?

Elle leva un sourcil interrogateur à l’adresse dudit monsieur, lui demandant implicitement son nom.

Je pose Antarès sur le banc et me lève pour parler à mon interlocutrice. Son corbeau est posé sur son épaule (quel obéissant volatile). Antarès ne semble pas vexé... J'ai plutôt l'impression qu'il voulait jouer avec l'oiseau.

- N'est-ce pas le propre des animaux de ne jamais vouloir s'ennuyer ? Et puis Antarès semble vouloir jouer alors, il n'y a aucune raison de s'inquiéter. Je m'appelle Loki Aaronson. A qui ai-je le plaisir de parler ?

Je m'incline légèrement (il semble que certaines manières de l'éducation que m'ont donné mes parents demeurent présente), en guise de salutation et j'esquisse un sourire (ce qui n'a jamais été mon fort, avouons-le).

Ce ne serait pas judicieux de l'analyser comme d'habitude, je risquerais de passer pour une personne relativement instable. Mais a première vue, il me semble que cette sorcière se situe dans la trentaine (nous avons donc quasiment le même âge). Ses yeux sont d'un bleu profond et ses cheveux sont d'un noir de jais. Son visage est mince, sans être maigre. Force est de constater que c'est une belle femme.
La sorcière semble être sûre d'elle-même (à ce que je peux en juger) et une certaine assurance scintille dans ses yeux. Il m'est d'avis que cette femme sait ce qu'elle veut sans se préoccuper du regard des autres, à voir l'ignorance qu'elle porte aux gens qui jugent son corbeau (Je peux me tromper mais dans la mesure ou je pratique pas mon analyse habituelle, les résultats que j'obtient pourraient être faussés).

Elle porte un sac qui, à l'odeur, me semble rempli de diverses herbes à potion (à moins que ce ne soit les miennes mais elles n'ont pas la même odeur. Donc, ces herbes sont soit destinées à son usage personnel, soit à usage professionnel. A l'odeur, je reconnais deux ou trois herbes qu'on ne destine pas aux particuliers mais aux professionnels, donc elle pourrait travailler dans le domaine médical. A Ste-Mangouste, peut-être ? Je lui demanderais plus tard, pour l'instant, je me contente juste des civilités.

Laissant Nyx sur son épaule, la jeune femme fouilla un instant dans son sac pour récupérer quelques graines de courge qu’elle avait aussi acheté spécialement pour sa compagne ailée. Graines qui sembla ravir la concernée qui se fit un plaisir de les avaler dans l’immédiat. Le nom par lequel l’inconnu désigna son serpent l’intrigua quelque peu. Ce n’était pas tous les jours que l’on croisait quelqu’un désignant son animal par le nom d’une des étoiles de la constellation du Scorpion. Pour être exacte, peu de personne avait une culture si développée à ce sujet.

La réflexion de son interlocuteur  ourla ses lèvres d’un léger sourire.

— On peut dire que certains aiment particulièrement la taquinerie à défaut de ne vouloir jamais s’ennuyer, dit-elle en adressant un regard au corbeau sur son épaule.

Corbeau qui se lissa les plumes comme s’il n’avait absolument rien entendu de la réflexion de sa maîtresse. Ce qui ne sembla nullement choquer la principale intéressée, comme si elle était habituée à ces excès d’humeur de la part de son volatile. L’intérêt de la guérisseuse retourna bien vite sur son interlocuteur, et pour cause : le nom de son vis-à-vis venait de la faire tiquer. Ou, plus exactement, son prénom.

Loki, comme le dieu nordique de la sorcellerie et du mensonge.  Ce n’était pas tous les jours que l’on croisait une personne portant cette identité. Soit les parents avaient un humour quelque peu douteux, soit ce nom était prophétique de bien des manières. Dans tous les cas, ce n’était pas la première fois qu’elle l’avait entendu. Mais si elle prenait un peu de temps pour se souvenir…

— Je me nomme Hécate Morwënn, répondit-elle par pu réflexe tandis qu’elle fouillait dans sa mémoire dans le même temps. Vous ne portez pas un prénom des plus communs, si je puis me permettre.

Et puis, la lumière se fit alors qu’elle venait de se projeter des années en arrière dans la Grande Salle de Poudlard, puis parmi les gourdasses de la salle commune qui avaient constitué ses camarades pendant sept années :

— Pardonnez ma question indiscrète mais… n’étiez-vous pas à Serpentard ? Je crois me souvenir de vous.

J'ai également l'impression de l'avoir déjà vu...

- Si je peux me permettre, porter le nom de la Déesse Grecque de la magie n'est pas chose commune mais il semble que dans notre monde, ce soit un choix plutôt pertinent. Et donc, pour répondre à votre question, j'étais effectivement à Serpentard. D'ailleurs, il me semble que vous aussi puisque j'ai moi aussi l'impression de vous avoir déjà vu... Mais, si je me souviens bien, nous ne sommes pas du tout de la même année, n'est-ce pas ?

Quelques souvenirs d'elle resurgissent... Je me souviens d'une fille qui, bien que ne se mêlant pas énormément aux autres, était assez sympathique au demeurant. Il me semble que j'appréciais cette sorcière pour son franc-parler. Elle était certes entourée de filles qui pensaient plus aux jeunes sorciers qu'à la magie et à leurs BUSES mais ce n'était pas son cas (ce qui me semble relativement correct, vu que je ne l'ai pas revu l'année suivante).

Antarès semble fatigué. Je dois avoir une de ces peluches dans une de mes fioles. J'ouvre ma veste et dévoile trois rangées d'une dizaine de fioles de chaque coté intérieur de cette dernière. Le coté droit est réservé aux potions que j'ai déjà préparé et que je conserve toujours en petite quantité au cas ou cela me serait utile, mais le coté gauche contient des objets du quotidien. Alors voyons... Ah, cette fiole là ! Je sors son contenu ainsi que ma baguette et...

- Amplificatum !

Et voilà ! C'est un petit nounours que j'ai trouvé dans une boutique moldue et qui a bien plu a Antarès.

- Tient, Anta'. Tu peut dormir si tu veut.

Oups, il semble que je me sois détourné de la conversation. Quelle impolitesse ! Bon, ce n'est pas bien grave, je pense.

- Désolé, vous savez comment sont nos compagnons : toujours à réclamer une certaine dose d'attention.

J'esquisse un petit sourire (du moins, j'essaye parce que depuis mon divorce, je ne souris franchement que quand je suis avec Morgane...)

La jeune femme inclina légèrement la tête pour le remercier de ce compliment concernant son identité. Quand bien même ce n’en aurait pas été un, elle aurait réagi de la même manière.

Elle attira ensuite une des chaises à la table du sorcier tandis que celui-ci s’occupait de son compagnie reptilien, non sans avoir fait au préalable un signe en direction de l’intérieur indiquant qu’elle prenait place à la terrasse du restaurant. Puisqu’ils en étaient à discuter du passé et que la discussion semblait se prolonger – du moins, c’est ce qui se profilait à l’horizon – autant se mettre à l’aise tout de suite, n’est-ce pas ? Après tout, elle serait ainsi plus à l’aise plutôt que de discuter en conservant son sac de course dans les bras. Sac qu’elle posa soigneusement  à ses pieds alors que son corbeau avait élu domicile sur la rambarde en fer forgé de la chaise du serpent.

— Ne vous en faites pas pour cela, je suis bien placée pour comprendre.

Après tout, Nyx avait aussi sa manière à elle de lui rappeler sa présence. Même lorsqu’elle travaillait à Ste. Mangouste sur un cas des plus délicats.

— C’est exact, répondit-elle concernant leur différence d’année à Poudlard.

Le sourire amusé revint sur ses lèvres alors que les souvenirs refaisaient surface à mesure qu’elle fouillait dans sa mémoire.

— Vous avez été le sujet de discussion principal de mes camarades de cette période : le petit nouveau fraîchement débarqué portant le nom du dieu nordique de la manipulation. Cela a duré pendant plusieurs mois avant qu’elles ne se calment. De vraies commères.

Hécate se tut lorsqu’on lui apporta un thé ainsi qu’un mélange de graines pour son corbeau. Elle en avait presque oublié que, à force de venir sur le Chemin de Traverse au nom de Ste. Mangouste mais aussi pour elle-même, elle avait fini par avoir ses propres habitudes dans certains endroits.

— Et maintenant, voilà qu’un dieu et qu’une déesse se connaissant à peine discutent de l’ancien temps après des années de séparation. Le monde est petit.

Tient, il semble que la discussion va se poursuivre. C'est bien, cela permet de renouer des liens.

- Effectivement, le monde est petit. Chose curieuse, n'est-ce pas ? C'est à croire que nous étions destinés à nous revoir. Quand à vos amies, je savais, à l'époque, que mon prénom les intriguait. D'ailleurs, je peux l'avouer maintenant, je me suis un peu amusé alors que j'étais dans un mauvais jour, à mettre une énorme dose de philtre de confusion dans les verres de certaines filles qui en rigolaient. Curieusement, les effets secondaires ont eu plus d'effet que prévu. J'ai bien ris n'empêche. J'espère que je n'en ais pas mis dans votre verre et si c'est le cas, j'en suis désolé.

Mince, du coup je repense à cet épisode et je commence à en rire. Il faudra que je raconte cette histoire à Morgane.

- Puis-je vous demander ce qui vous amène par ici ? Je sens l'odeur de nombreuses herbes qui ne sont pas vendues aux particuliers provenant de votre sac, du coup, j'imagine que cela doit être à but professionnel ?

Antarès s'endort tranquillement, le corbeau s'étant placé au dessus de lui. Je pense que ça aurai fait une excellente photographie. Oui... "la Paix Animale"... Bon titre à mon avis. Je note ça dans un coin de ma tête, on ne sait jamais, ça pourrait m'être utile.

Hécate boit son thé tranquillement. Une douce odeur s'échappe de la tasse... Je vais me sortir une boisson, tient... J'ouvre ma veste et j'en sors un flacon contenant un gobelet en bois (pour qu'il ne se casse pas), ainsi que ma baguette.

- Amplificatum.

Et pour la boisson... Je veux une boisson moldue... Voyons... du Rhum. Bon choix. Je m'en verse une quantité raisonnable (le gobelet est plein) et je range la fiole. Utile le sortilège d'extension, je trouve. Je vais retirer ma veste de costume trois-pièces, j'ai trop chaud. Je la pose sur le dossier du banc et je retrousse les manches de ma chemise. Oups, j'ai oublié de retirer les lames rétractables sur mes avants-bras. Bon, ce n'est pas grave... Les vieux réflexes...

La « confession » de son vis-à-vis lui fit légèrement arquer un sourcil, sans toutefois qu’elle ne se défasse de son sourire. Tiens donc, elle n’était donc pas la seule à avoir joué un sale coup à cette bande de gourgandines ? Certes, probablement pas à la même période - Dieu qu’elle avait eu de la chance qu’un des portraits n’aille pas tout raconter à son directeur de maison ! - mais tout de même, le parallèle était très amusant.

— Non, ne vous en faites pas. Un de mes camarades vous avait vu faire et m’a prévenu. Et puis, même si je ne l’avais pas fait, je me serai tout de même posé des questions avant de boire en voyant mes charmantes… amies (elle eut une sorte de rictus, comme si elle ne croyait même pas elle-même à la définition du mot qu’elle employait) agir de la sorte. Ça donne la puce à l’oreille.

Hécate but une longue gorgée de thé rien qu’à ce souvenir. Qui était celui qui lui avait dit de faire attention ? Un petit jeune… d’à peine quelques années, toujours dans son coin. Elle cilla, revint à la réalité. La conversation présente ne concernait pas ce genre de mémoire, elle aurait tout à loisir de fouiller dedans plus tard.

Elle reposa sa tasse sur sa soucoupe en un léger cliquetis.

— En effet, j’ai été mandatée par mon chef de service et responsable pour aller récupérer une commande chez l’herboriste et apothicaire. Je travaille en tant que Guérisseuse et Médicomage à Ste. Mangouste, précisa-t-elle pour éviter la confusion. Principalement au niveau des empoisonnements, mais il arrive parfois qu’on fasse appel à moi dans d’autres secteurs.

La jeune femme se garda bien de préciser que, parmi les herbes à usage professionnel, certaines étaient pour son propre usage personnel. L’avantage d’avoir ce genre de travail où l’on pouvait obtenir aisément ce qui d’ordinaire ne l’était pas.

Elle ne fit pas le moindre commentaire lorsque Loki se mit à l’aise. Son regard saphir brilla brièvement en apercevant les deux objets à ses avant-bras, avant de remonter sur son visage comme si elle cherchait à deviner d’elle-même de quoi il en retournait.

— Et vous-même ? Je doute que vous êtes ici pour le travail au vu de votre attirail… Auror ?

Une déduction logique puisque la plupart des sorciers – et sorcières – équipés officiellement d’armes étaient de ceux-là.

Puis-je le dire ? Oh, après tout, je ne risque rien de grave, je pense.

- Effectivement, je suis Auror en période d'essai. J'ai passé mon entretien d'embauche il y a une semaine environs (avec une dame très charmante de surcroît). Mais, pour être honnête, si je garde mes lames rétractables, c'est parce que c'est un vieux réflexe de mon ancien métier : garde-du-corps.

Heureusement que je n'ai mis que mes lames rétractables aujourd'hui, car si j'étais sorti avec tout mon matériel, j'aurais dû exhiber mes quatre couteaux bowies et je ne pense pas que cela aurait été correct (surtout ici alors qu'il n'y a pas vraiment de menaces).

- Dites-moi, si vous travaillez à Ste-Mangouste, vous devez vous y connaître en poison. Est-ce que par hasard vous avez fait un tour à l'Allée des Embrumes ? Notez que la question n'est pas professionnelle, j'y suis allé tout à l'heure. Mais si vous faites des potions, je pense que certaines choses pourraient vous intéresser. Tenez, regardez ça.

Je sors un flacon de ma veste.

- Amplificatum.

Utile, ce sort, n'empêche. Je tend la fiole remplie d'un liquide noir à mon interlocutrice.

- Du venin de Basilic. Absolument introuvable dans les commerces légaux mais si il y a bien quelque chose que je dois reconnaître, c'est que l'Allée des Embrumes est un lieu... passionnant. Qu'en pensez-vous, de votre coté ?

J'aime avoir le point de vue des autres. C'est comme ça que naissent les débats, il me semble. Or, c'est une chose essentielle si on veut avancer. De plus, c'est peut-être comme ça que les choses avanceront entre les moldus et les sorciers...

Antarès se met à ronfler, où je suis victime d'hallucinations auditives ? Je vais finir par croire que ce serpent n'est pas normal... En même temps, un reptile qui mange avec une serviette dans une assiette et qui dort avec une peluche, on ne peut pas dire que ce soit normal... Mais bon, nous sommes dans le monde de la Magie, alors la frontière entre ce qui est normal et ce qui ne l'est pas est relativement mince...

Hécate resta brièvement silencieusement, assimilant les propos de son vis-à-vis. Ancien garde du corps et Auror de surcroît… et bien, voilà qui était peu commun. Cela expliquait véritablement les deux lames habilement dissimulés sous sa veste. Hormis si le soleil s’était reflété sur le métal pour attirer sa curiosité, elle ne les aurait pas remarquées. Habile stratagème, il fallait bien le souligner. Elle en vint même à se demander si tous les Aurors dissimulaient sur eux des armes autres que leur baguette à des endroits improbables.

Elle rangea de côté cette réflexion pour reporter pleinement son attention sur la conversation en cours. Conversation qui la concernait, au vu de la question posée.

— Bien sûr, répondit-elle sans détour et sans la moindre once de mensonge.

Après tout, l’Allée des Embrumes était l’endroit idéal pour se procurer ce qu’on ne pouvait se procurer en temps normal. Tout le monde le savait, beaucoup y allait sous cape en priant ciel et terre pour ne pas se faire repérer par une connaissance mais personne n’en parlait. Comme si ce fait avait été aussi tabou que le nom de Vous-savez-qui. Belle ironie, n’est-ce pas ? La jeune femme elle-même y allait à visage découvert. Après tout, très peu essayait de se mettre en travers de son chemin dans ces moments-là. En particulier lorsque les résultats étaient là.

Elle prit la fiole que lui tendit son interlocuteur pour l’observer attentivement.

— C’est un lieu que j’apprécie particulièrement, dit-elle tout en continuant d’observer attentivement la fiole et le contenu de celle-ci. On se fiche de savoir qui vous êtes, de votre passé, de ce que vous désirez obtenir à partir du moment où vous avez suffisamment de Gallions à avancer pour payer. Il n’y a aucun a priori sur votre condition et seul ceux qui cherchent à ne pas se faire reconnaître attire le plus l’attention et font jaser.

Hécate ouvrit le contenant en verre pour respirer un instant les effluves qui s’en échappait, fronçant légèrement sourcils avant d’en verser quelques gouttes sur sa serviette. Elle demeura silencieuse pour observer la réaction qu’elle venait de créer, puis referma la fiole pour la rendre à son propriétaire.

— Il n’est pas pur, il a été dilué. Cela en amoindrie les effets, rendant l’agonie plus longue sur la durée à défaut de la rendre efficace dans les minutes qui suivent l’assimilation du venin. Mais cela nécessite aussi de renouveler les doses tous les jours pour tuer définitivement.

Elle jeta un coup d’œil au serpent endormi et au corbeau veilleur de sommeil. Corbeau qui était étrangement silencieux, observant avec intelligence les deux humains.

Mon interlocutrice est loin d'être idiote...

- Effectivement, ce Venin de Basilic est dilué. Mais ce n'est pas un drame, vu que c'est un ingrédient pour un poison plus puissant... *et si un mec essaye de draguer ma fille quand elle sera en âge, je lui ferais avaler le flacon a ce petit...*

Oups, j'ai peut-être parlé trop fort. Bon, ce n'est pas bien grave... Je crois... Toujours est-il que ma chère Morgane ne se fera pas draguer par des hordes de mâles en rut, je le jure ! J'ai l'impression d'être un papa-poule... Elle n'a que cinq ans après tout... Peut-être qu'elle aura hérité de mes pouvoirs ? Ce serait bien, je pourrais lui apprendre à faire des potions et à voler sur un balai et... Je m'emporte...

- Dites-moi, Hécate (vous permettez que je vous appelle Hécate ?), je me demandais, comment en-êtes vous arrivée à exercer le magnifique métier de Guérisseuse à Ste-Mangouste ? Ils sont apparemment très stricts en ce qui concerne les critères de sélection, alors dois-je en conclure que j'ai a faire à une sorcière très douée ?

Dans la mesure ou elle est spécialisée, j'imagine qu'elle doit avoir un excellent niveau en potions et en sortilèges. Elle doit aussi être à l'aise en ce qui concerne les relations sociales, vu que les Guérisseurs et les Guérisseuses sont constamment en contact avec les malades...

J'ai fini mon verre... Est-ce raisonnable de se resservir ? Mmmmhhh... Bon, je pense que je peux, après tout, ce ne sont pas deux verres qui vont me faire rouler sous la table. Et puis, je ne bois pas tant que ça... Bon, il faut admettre que je bois pas mal depuis mon divorce mais je n'ai jamais réussi à être tout à fait saoul... Ou alors j'ai oublié, mais j'en doute.

Alors, voyons, qu'ai-je dans ma veste ? Je veux un alcool sorcier cette fois. Oh, du Whisky-Pur-Feu ! Parfait ! Il me semble que c'est celui qui à dix ans d'âge... Donc, pas plus d'un verre, il faut apprécier le bon alcool ! Je prend un second verre, remplit les deux et en tend un a Hécate.

- Vous en voulez ? Whisky-Pur-Feu, dix ans d'âge.

— Je vous en prie. Loki, répondit-elle simplement pour faire savoir que cela ne la dérangeait pas qu’il l’appelle par son prénom et qu’elle en ferait donc de même. Histoire d’être sur la même page l’un et l’autre, cela va sans dire.

La question avait le mérite d’être on ne peut plus pertinente. Qui plus est, elle était aussi en terrain glissant pour la jeune femme. Cela étant, il y avait toujours un moyen de contourner le problème sans avoir besoin de mettre les pieds dans le plat. Après tout, elle ne tenait pas à ce que la conversation dérive sur la psychologie et autres charmantes maladies mentales qu’elle pouvait rencontrer. De manière plus ou moins personnelle. Aussi prit-elle le temps de choisir soigneusement ses mots :

— Vaste question. Disons simplement que j’étudiais beaucoup les potions et autres choses de ce genre lorsque j’étais encore à Poudlard. Mais l’école étant ce qu’elle est, j’étais quelque peu limité en matière de savoir. Après tout, nos professeurs ne nous apprenaient pas tout. Ce qui est normal. Les effets des poisons et des sortilèges, par exemple, m’intéressaient particulièrement. Surtout la manière de les contrer. De fil en aiguille, j’ai donc décidé de me consacrer à ce savoir pour aider les autres à ne pas y succomber.

Sa propre explication sonnait étrangement à ses oreilles. Non pas que cela soit faux, c’était même le contraire : tout ce qu’elle avait dit était entièrement le vrai. Elle avait simplement remodelé la vérité pour lui donner un peu plus de… diplomatie. Histoire de rendre les choses moins pragmatiques et terre à terre. Elle avait appris à force de pratique que la couleuvre passait beaucoup mieux quand on y mettait les formes.

Hécate accepta volontiers un verre de whisky pur-feu. Après tout, autant se faire plaisir quand on le pouvait, n’est-ce pas ? D’autant qu’elle n’avait pas vraiment d’occasion de boire en dehors du travail. Les soirées de beuverie entre collègues n’étaient pas trop sa tasse de thé.

— Et vous-même ? Qu’est-ce qui a poussé un ancien garde du corps à devenir Auror ?

C'est une question assez compliquée...

- Et bien en fait, cela fait quelques années que je ne suis plus garde-du-corps. En fait, je travaillais pour l'entreprise familiale mais cette dernière a fait faillite. Donc, pendant un temps, je suis devenu professeur particulier, aussi bien dans le monde Moldu que dans notre monde, ce qui m'a permis de vivre confortablement. Du coté Moldu comme du coté Sorcier, j'étais un père de famille qui prodiguait un enseignement à domicile. Mais après mon divorce, j'ai subis quelques revers, avec la pension alimentaire assez importante, je ne pouvais plus vivre dans le monde Moldu. Donc, j'ai été obligé de retourner dans notre monde. J'ai décidé de devenir Auror car d'une part c'est un emploi très bien rémunéré dont je connais déjà quelques ficelles par mon ancien métier, et en plus, cela me permettra de montrer à ma fille que même en étant en désaccord avec la politique du gouvernement, on est tout de même en mesure de faire ce qu'on pense juste tout en travaillant pour ce même gouvernement. Peut-être que cela me permettra de changer quelque peu le système, après tout...

Je suis obligé d'admettre que je réservais la dernière phrase pour moi mais il semble que je l'ai prononcé à haute voix... Bon, ce n'est pas grave, je pense. Après tout, je n'ai pas révéler des informations absolument confidentielles, non ?

D'ailleurs, j'y pense... C'est bientôt l'anniversaire de Morgane ! Il faudra que j'aille lui acheter un cadeau ! Voyons... Il me semble que l'année dernière, je lui avait offert un jouet moldu... Un set de peluches toutes mignonnes (qu'Antarès m'a aidé a choisir d'ailleurs). Cette année, je vais lui prendre un jouet Sorcier. Voyons... Un petit balai ! Comme ça elle pourra voler ! Ou alors, une semaine dans notre monde ! Quelle riche idée, on passera un bon moment ! Et puis, au moins, Johanna aura un peu la paix, la petite est assez turbulente a ce que j'ai compris...

Un léger sourire indéchiffrable ourla brièvement les lèvres de la jeune femme alors que des paillettes émeraude dansant dans ses iris saphir pendant quelques brefs instants. Suffisamment longtemps pour faire passer l’impression de rêve, pas assez pour que cela le demeure.

— Prenez garde, Loki… certains pourraient se faire un plaisir de vous mettre en garde pour des paroles aussi présomptueuses contre le système qui nous régit.

Mais pas elle.

Son positionnement vis-à-vis de ses semblables était déjà bien ambigüe alors envers le système, mieux ne valait pas en parler.

Au sujet de parler, elle en avait appris beaucoup sur son interlocuteur rien que par une question. Il avait participé à l’entreprise familiale, s’était marié – femme moldu ou sorcière ? peut-être le premier cas à ce qui semblait – et avait même eu une petite fille de ce mariage avant de divorcer et de mener une nouvelle vie en tant qu’Auror à jongler entre ses devoirs de père de famille et son travail en tant que Sorcier. Étrange d’ailleurs… qu’un sorcier ait tourné le dos à sa vie magique. Assez rare.

— On peut dire que vous avez mené une vie comblée, si on se base sur les critères de la société… et il vous reste encore plus de la moitié de votre vie devant vous. Elle est de votre sang ? Votre fille, demanda-t-elle ensuite pour demander si la petite appartenait au monde magique ou demeurait au monde Moldu.

Curieux... Ce ne sont pas des menaces mais cela sonne tout comme... Hum, cela doit être mon imagination.

- Vous savez, je pense que le meilleur moyen d'être honnête envers les autres est tout d'abord d'être honnête envers soi-même. J'estime que le système dans lequel nous vivons est archaïque et corrompu jusqu'à la moelle. Je l'ai d'ailleurs affirmé lors d'un entretien d'embauche et il semble que j'ai été pris, comme quoi, l'honnêteté n'est pas tout le temps préjudiciable.

Je l'écoute parler. Elle me dit qu'aux yeux de la société, j'ai eu une vie épanouie.

- N'ayant que faire de ce que la société peut penser, je ne peux ni vous donner tort, ni vous donner raison. Toutefois, il me semble que l'on peut considérer que sa vie est épanouie uniquement lorsque nos objectifs sont atteints. Dans mon cas, mon objectif est double : rendre le monde meilleur pour que ma fille puisse y vivre sereinement. Alors, certes, pour certains, cela pourrait paraître utopique mais lorsque l'on s'acharne à comprendre tous les modes de pensées, allant de celui de Voldemort à ceux des fanatiques justiciers du Ministère, peut-être qu'il est possible de comprendre, et ainsi d'agir.

Je me ressert un verre (on est pas à ça près). Je remplis également le verre d'Hécate par automatisme.

- Et vous, Hécate, avez-vous un rêve ? Un idéal ? Que ce soit pour vous même, pour votre époux ou épouse et vos enfants, si vous êtes mariée et avez des enfants, ne rêvez-vous pas de quelque chose ? Un chose que la société, qui s'occupe de juger, de dire ce qui est bien ou mal, estime que cet objectif est impossible à atteindre, que ce ne sont que des chimères ?

Je pense que l'alcool commence à faire son petit effet (avec la bouteille que j'ai bu tout à l'heure, cela commence à faire un peu, tout de même). Selon mes proches, lorsque l'alcool fait effet, chez moi, j'ai tendance à tenir des discours relativement philosophiques empreints d'une certaines folie. Je demande à voir.