Curieux... Ce ne sont pas des menaces mais cela sonne tout comme... Hum, cela doit être mon imagination.

- Vous savez, je pense que le meilleur moyen d'être honnête envers les autres est tout d'abord d'être honnête envers soi-même. J'estime que le système dans lequel nous vivons est archaïque et corrompu jusqu'à la moelle. Je l'ai d'ailleurs affirmé lors d'un entretien d'embauche et il semble que j'ai été pris, comme quoi, l'honnêteté n'est pas tout le temps préjudiciable.

Je l'écoute parler. Elle me dit qu'aux yeux de la société, j'ai eu une vie épanouie.

- N'ayant que faire de ce que la société peut penser, je ne peux ni vous donner tort, ni vous donner raison. Toutefois, il me semble que l'on peut considérer que sa vie est épanouie uniquement lorsque nos objectifs sont atteints. Dans mon cas, mon objectif est double : rendre le monde meilleur pour que ma fille puisse y vivre sereinement. Alors, certes, pour certains, cela pourrait paraître utopique mais lorsque l'on s'acharne à comprendre tous les modes de pensées, allant de celui de Voldemort à ceux des fanatiques justiciers du Ministère, peut-être qu'il est possible de comprendre, et ainsi d'agir.

Je me ressert un verre (on est pas à ça près). Je remplis également le verre d'Hécate par automatisme.

- Et vous, Hécate, avez-vous un rêve ? Un idéal ? Que ce soit pour vous même, pour votre époux ou épouse et vos enfants, si vous êtes mariée et avez des enfants, ne rêvez-vous pas de quelque chose ? Un chose que la société, qui s'occupe de juger, de dire ce qui est bien ou mal, estime que cet objectif est impossible à atteindre, que ce ne sont que des chimères ?

Je pense que l'alcool commence à faire son petit effet (avec la bouteille que j'ai bu tout à l'heure, cela commence à faire un peu, tout de même). Selon mes proches, lorsque l'alcool fait effet, chez moi, j'ai tendance à tenir des discours relativement philosophiques empreints d'une certaines folie. Je demande à voir.

Hécate l’écouta silencieusement. Presque religieusement sans l’interrompre un seul instant, tout en sirotant quelque peu son verre d’alcool. Peut-être que les propos de son interlocuteur aurait pu ennuyer une quelconque autre personne qui aurait fait tout son possible pour masquer son irritabilité mais ce n’était pas son cas. En réalité, elle trouvait l’envolée philosophique de son vis-à-vis très intéressante… quand bien même celui-ci avait éludé sa question concernant sa fille.

La jeune femme tiqua légèrement sur le fait que Loki venait de mentionner le nom du Seigneur des Ténèbres sans recourir à un artifice quelconque comme « Vous-savez-qui » ou « Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom » ou tout autre phrasé de ce genre. Non pas que cela la dérangeait, elle préférait largement appeler les choses comme elles sont, mais pour l’image de la société « normale »… ce n’était pas la même chose.

— Vous avez beaucoup de courage… pour appeler ainsi Voldemort sans recourir à un « maquillage » pour le nommer, si je puis dire, osa-t-elle avancer en prenant bien soin de ne pas marcher sur des œufs tout en laissant à la fois transparaître le fait qu’elle faisait de même.

Elle inclina légèrement sa tête pour le remercier d’avoir de nouveau rendu son verre à moitié plein et non plus à moitié vide. La question concernant son rêve la laissa songeuse un bref instant. Quand à ce qui concernait la possibilité d’avoir été marié et d’avoir eu des enfants…

— Je n’ai pas été mariée et je ne le désire pas, pas plus que je ne désire avoir d’enfants, finit-elle par répondre après avoir repris une gorgée de courage liquide.

Quoique si cela pouvait lui permettre de donner sa tare en héritage à sa progéniture et lui donner sa vision de la vie, pourquoi pas ? Elle n’avait jamais pris le problème sous cet angle puisqu’elle ne s’y était jamais intéressée. Quant à ses rêves… assouvir sa soif de connaissance en faisant parti, mais impliquait une maîtrise totale de son environnement. Lorsqu’on était entouré d’hommes et de femmes considérés comme inférieurs – de son point de vue – ce n’était absolument pas une chose aisée.

— Beaucoup de choses que je désire sont, malheureusement, hors de ma portée pour diverses raisons liées à notre bonne vieille société. Tout comme cette société s’enlise dans ses principes archaïques et n’en sortira que si vraiment quelque chose la secoue de l’intérieur… après tout, le genre humain est ainsi fait : égoïstes et égocentristes, on ne réagit à un danger que lorsque notre propre vie ou celle de nos enfants est menacée et non celle d'autrui. Les Mangemorts, ajouta-t-elle en baissant la voix, pourront faire ce qu’ils désirent, jamais ils ne feront bouger les choses en s’attaquant à autrui hors des zones qui ne sont pas directement touchées par le gouvernement. C’est comme ça.

Elle se tut, acheva de boire son verre tout en se disant qu'elle avait franchi la limite qu'elle s'était elle-même imposée depuis qu'elle vivait en tant qu'adulte. Quelle idiote.

Nous partageons le même point de vue, il me semble.

- Je suis tout à fait d'accord, avec vous. Les actions des Mangemorts étaient, à l'apogée de Voldemort, une véritable source d'anarchie. Le gouvernement était infecté par la magie noire et l'est d'ailleurs toujours aujourd'hui. Les Mangemorts véhiculent une vision dépassée des choses. Il est vrai qu'à une époque, il était nécessaire pour nous autres, sorciers de se cacher de monde moldu sous peine d'être traqués comme des chiens. Mais aujourd'hui, ce n'est plus nécessaire. L'heure est, je pense, venue pour les sorciers de se dévoiler au monde, de dire que ce monde n'est pas une illusion et qu'il existe vraiment. Bien sûr, cette idée n'est pas partagée par tous et, en premier lieu, par les Mangemorts. Ils n'arrivent pas à se faire à l'idée que maintenir les sorciers dans un état de pureté de sang absolue finira tôt ou tard par l'aliénation de ces derniers. Mais qui écouterais ces idées ? Des idéalistes, qui pensent que faire bouger les choses est possible si on s'en donne les moyens. Mais dans la mesure ou le Ministère de la Magie est corrompue par la peur et les faibles d'esprits, nous ne pourrons jamais avancer comme nous le souhaitons...

Je pars pour me resservir un autre verre, mais Antarès (qui est réveillé), m'en empêche... Pas idiot, ce serpent. Ce serait mal vu de rentrer à quatre pattes, il me semble. Depuis que je l'ai adopté, Antarès agit comme un gardien. Après tout, nous avons grandis ensemble, comme des frères... Une belle et longue histoire d'amitié... J'aime ce serpent.

- Veuillez m'excuser, je ne sors pas ce genre de propos d'habitude. Il semble que je commence à être relativement éméché, j'en suis désolé. Je vais m'arrêter là, sinon je vais devoir rentrer à quatre pattes et se ne serait pas correct, n'est-ce pas ?

Bon, je vais devoir attendre un peu avant d'aller voir Morgane... Si elle voit son père dans cet état là, ce serait le pompon...

Cela avait quelque chose de plaisant de pouvoir parler ainsi librement sans se demander constamment si la personne en face allait parler sous cape ensuite à des oreilles plus méfiantes, ou si un jugement hâtif allait être fait d’emblée. La discussion et débat qui s’était engagé avec l’ancien garde du corps était rafraîchissante sur bien des points. Pouvoir ainsi parler des actes des Mangemorts sans faire l’amalgame d’appartenir à ces partisans et se voir attribuer l’étiquette « potentiellement dangereux » était une bouffée d’air frais.

Hécate savait pertinemment qu’elle ne pouvait pas parler ainsi avec tout le monde, même avec ses collègues de travail. Pour certains, les blessures de la grande guerre étaient encore fraîches et d’autres avaient perdu beaucoup de proches durant les affrontements contre les adeptes de Voldemort.

Elle allait répondre et relancer la discussion concernant la pureté du sang ainsi que ses conséquences sur le monde des sorciers, mais elle s’interrompit en voyant le serpent agir. Un reptile bien protecteur envers son maître, il fallait le concéder. Elle arqua légèrement un sourcil devant les excuses présentées. Pourquoi en faire autant alors que la conversation avait été on ne peut plus appréciée ?

— Il n’y a pas de mal, rassurez-vous.

Du pied, la jeune femme ramena les sacs en tissus contenant les nombreuses herbes et autres remèdes qu’elle avait commandés tandis que son corbeau venait de se poser sur le coin de la table, guettant les possibles graines qui pouvaient lui être offertes.  La guérisseuse sortit un petit sachet de toile qu’elle tendit à son interlocuteur.

— Tenez, diluez ceci dans de l’eau chaude avant de l’avaler. Comme un thé. Je vous préviens, le goût est absolument immonde mais cela fera disparaître votre prochaine gueule de bois dans les heures à venir. Considérez cela en guise de remerciement pour le verre et la plaisante conversation, ajouta-t-elle en se doutant qu’il pouvait tout aussi bien refuser.

Oh, elle me tend des plantes relativement bizarres. Je me méfie (question d'habitude sans doute).

- Désolé, mais je ne peux pas accepter. J'ai pour habitude de ne jamais accepter d'aliments ou d'herbes venant de quelqu'un d'autre. Un vieux réflexe. Notez donc que ce n'est pas contre vous. Qui plus est, j'ai déjà un bon remède pour ne pas avoir la gueule de bois. Ne paniquez pas, je sais exactement ce que je fais.

Je me tourne vers Antarès, qui me regarde en sachant déjà ce qui va se passer. Il ouvre la gueule pendant que je sors une fiole remplie d'un liquide noir. J'ouvre le flacon et Antarès y dépose un de ses crochets, laissant y couler du venin. Parfait.

- Merci, mon Frère.

Je bois le liquide d'un coup et ne ressent quasiment plus les effets de l'alcool. Mais je commence à ressentir une énorme énergie couler en moi. Il va falloir l'évacuer dans un temps relativement court.

- C'est étrange de voir à quel point un mélange de café concentré et d'anti-venin, combiné au poison d'Antarès enlève les effets de l'alcool. Le seul problème, c'est l'énorme besoin d'évacuer l'énergie due à l'adrénaline. Et il n'y a aucune possibilité de prendre une autre potion, sinon les effets secondaires pourraient être assez dévastateurs sur l'organisme.

Inspirer, expirer, inspirer, expirer... Ressentir l'adrénaline... La canaliser... la contrôler... ne faire qu'un avec elle...

- Bon, j'ai un peu de temps encore. Dites-moi, depuis tout a l'heure, je vois votre corbeau - assez sympathique pour ce que je peux en juger -, mais je me demandais : a-t-il des capacités magiques ou alors est-ce juste un corbeau "normal" (si on peut dire ce qui est normal ou pas dans notre monde, bien sûr) ?

Son corbeau m'interpelle... Il ne me semble pas particulièrement magique mais pourtant, il a quelque chose... un regard assez spécial... Ce ne serait pas étonnant qu'il possède quelques capacités surnaturelles. Après tout, dans notre monde, c'est quelque chose de commun.

Elle ne prit pas mal le refus de son interlocuteur. Après tout, il était un Auror et avait parfaitement raison de refusé. Qui sait ? Elle aurait très bien pu mentir et dissimuler des herbes empoisonnées ou toute autre chose de cet acabit pour atteindre à la vie de quelqu’un. Fort heureusement pour Loki, elle n’en était pas à ce point-là. Très loin de là, même. Elle rangea donc les fameuses herbes d’où elle les avait prises et observa avec un intérêt non dissimulé ce qui se déroulait sous ses yeux.

Bien évidemment et de par son côté professionnel, Hécate ne put s’empêcher d’arquer un sourcil face au procédé quelque peu atypique. Quel que soit la manière dont on se l’administre, un venin finit toujours par avoir un certain effet sur l’organisme de celui qui le subit. Toutefois, elle n’en fit pas le moindre commentaire. Elle devait même reconnaître le côté « efficace » de la méthode.

— Je suppose que cette énergie en question dure pendant quelques heures afin que l’organisme puisse supprimer tous les effets annexes de l’alcool puis évacuer celui du remède, n’est-ce pas ?

Une question qui n’attendait pas vraiment de réponse, à dire vrai puisqu’elle s’en doutait déjà. Néanmoins, celle de son vis-à-vis concernant son corbeau eut le don de la surprendre. Corbeau qu’elle regarda un moment, sachant très bien que l’oiseau de mauvais augures avait compris sans mal qu’on parlait de lui.

— Nyx ? C’est un démon primordial que j’ai invoqué et enfermé dans le corps d’un oiseau.

Hécate sirota quelques gorgées de son verre qu’elle reposa vide sur la table, un sourire amusé flottant sur ses lèvres. Quant à savoir si ce qu’elle venait de dire était une farce ou non…

— Les humains ont la fâcheuse tendance de sous-estimer l’intelligence de l’espèce animale, reprit-elle. Votre serpent en est le parfait exemple, mon oiseau aussi. Ce sont tous deux des êtres d’une intelligence rare. Nyx est un corbeau tout ce qu’il y a de plus banal, mais nous avons toutes deux un lien très fort entre nous : elle comprend ce que j’attends d’elle sans que j’ai besoin de le lui dire à haute voix et vice-versa.

Tout en parlant, elle caressa les plumes soyeuses et ténébreuses du corbeau qui déploya légèrement une de ses ailes pour en quémander davantage.

L'énergie coule en moi avec une telle force que je suis a deux doigts de craquer... Je remercie la méditation, ça m'aide beaucoup à me contrôler...

- Effectivement, l'énergie reste présente pendant environs deux heures, mais il est préférable de l'évacuer, d'une manière ou d'une autre afin que cela n'endommage pas l'organisme de façon trop grave.

Je défais ma cravate. Je commence à avoir chaud. Il faut que je sois patient et que prenne sur moi. Je me demande si je n'aurais pas dû assumer ma gueule de bois... Non, pas de gueule de bois devant ma fille !

Ainsi, Nyx serait un dieu primordial enfermé dans un corps de corbeau... L'idée est intéressante mais il me semble que c'est une blague en voyant le sourire en coin de mon interlocutrice.

- C'est frustrant de voir que certains animaux, qu'ils soient magiques ou non, soient, pour certains, plus intelligent que l'Humain. Nous sommes censés, en théorie, être l'espèce dominante sur terre, mais certains animaux, comme l'éléphant, les loutres, sont en définitives plus humaines que nous et par conséquent plus intelligent. Pendant que l'Homme se bat pour être le plus fort, le meilleur, dominer le monde, il ne se rend pas compte que si il cherchait à instaurer la paix et a ne pas dominer autrui, alors, ces idées seraient dépassé par le simple concept d'Humanité. Humanité qui, comme je le disais, est plus présente chez les animaux que chez l'Humain en définitive...

Je commence à dire des choses incompréhensibles, je pense. J'ai voulu dire quelque chose mais je ne sais pas si j'y suis arrivé. Frustrant.

Je me tourne vers Antarès.

- Dit-moi, mon frère, aurait-tu l'amabilité de faire quelque chose pour moi ? Tu retourne chez nous et tu me rapporte le petit pot noir, d'accord. Et mange une souris si tu a fait. Passe par les canalisations, tu connait le chemin, je pense ?

Antarès hoche la tête, défait la serviette autour de son cou avec le bout de sa queue, me la tend et part (il m'étonnera toujours, décidément)...

Je retourne vers mon interlocutrice.

- Il revient de suite. Je pense que le contenu de ce pot pourrait vous intéresser, vu que vous semblez vous spécialiser en poisons.

Je souris à Hécate, tout en respirant un bon coup.