Si la table des serpents étaient au couleurs vert et argent, ce n'était pas le cas du reste de la salle. Si les gens présents à la table des serpents étaient... un minimum vivables, ce n'était pas le cas du reste de la salle. Et tout ceci, au plus grand désarroi de Persei. Ca ne faisait pas longtemps qu'elle avait été répartie et ce dans la maison où elle souhaitait être le plus. Quel bonheur ! Mais quelle déception quand elle comprit qu'elle ne pourrait pas rester constamment avec les serpentards...

Entre les repas, les cours ou à la bibliothèque, au parc ou même à Pré-au-Lard, elle devait supporter la vue disgracieuse des gens autour d'elle. C'était compliqué pour quelqu'un comme Persei. Ca ne faisait pas longtemps qu'elle était à Poudlard, ses amis d'enfance (enfin, ses deux seuls amis) avaient été répartis à Serdaigle. Du coup, elle n'avait personne à qui parler, pas réellement d'ami dans sa propre maison. Et quand certains venaient lui parler, ils finissaient par l'ignorer... C'est qu'elle a une langue tranchante la petite sorcière.

Assise à la table verte et argent, Persei ne touchait pas réellement à son repas, préférant changer ses cheveux de couleurs pour coller à son humeur : maussade. C'était pas aussi génial que ça d'être toute seule, alors ses cheveux passaient d'un bordeaux à un bleu marine puis à un vert foncé. Ses yeux parcouraient l'assistance avant de ne s'arrêter à la table des rouges et or. Sa mâchoire tomba.

- Mais c'est quoi cette tenue ?

Elle manquait de s'étouffer tant l'élève était dans une tenue absurde et surtout qui manquait de goût. Les mots manquaient pour décrire l'affublement de l'élève. C'était juste... juste... hideux ! Elle se mit à rire, et ses cheveux s'éclaircirent.

- Faut vraiment être un naze pour sortir comme ça, ou être complètement stupide, déclara-t-elle à voix haute d'un ton condescendant.

Elle doutait que ses mots atteignent l'élève en question mais elle s'en fichait. Au moins elle se faisait la discussion, et lui donnait l'illusion d'être moins seule.

Persei tourna tellement vite la tête vers sa voisine qu'elle cru s'être brisé le cou. Elle ne s'attendait pas à ce qu'on lui pose une question, mais alors pas du tout. C'était une véritable surprise, aussi agréable que douloureuse. Ses cheveux avait pris une teinte bleue vive, voire même turquoise, dépeignant sa surprise.

Elle se massa le cou, se remettant de ses émotions. Et elle pointa du doigt l'élève en question. Il devait être en troisième année au vue de sa taille. Il était brun, avec une tenue étrange, tant par l'association des couleurs et des motifs que par... l'étrangeté tout simplement de sa tenue. Était-ce un déguisement d'une créature magique ? Ou une mauvaise imitation d'un chanteur moldu ?

- Le mec là-bas, répondit Persei de manière détachée comme si elle n'avait pas été surprise. J'ai aucune idée d'à quoi il peut ressembler mais-

Elle allait continuer mais s'étouffa avec ses propres mots en voyant le couvre-chef qu'il venait de mettre. Il avait mis un truc ressemblant à un crapaud mal formé... Elle ne savait pas si elle devait rire ou non. C'était très... confus. En même temps, elle regardait sa voisine du coin de l'oeil. Elle fouillait dans sa mémoire, elle avait été répartie la même journée...

Pourtant elle n'arrivait pas à remettre un nom sur la jeune fille. Si Persei était très douée pour émettre des commentaires moqueurs, elle était très mauvaise pour se souvenir des noms des gens. Certains élèves de sa maison (à comprendre des élèves plus âgés souhaitant assouvir leur désir de supériorité) le lui avaient reproché. Pour seule réponse, elle les avait ignoré en faisant claquer sa langue comme s'ils n'étaient que des insectes qui venaient déranger la princesse qu'elle était.

Le rire de sa voisine était franc et ne démontrait d'aucune retenue. C'était rafraîchissant, et Persei pouffa elle aussi avant de s'esclaffer, le rire de l'autre fillette étant contagieux. Puis la jeune fille se présenta. Gemma, c'était donc son nom !

- Enchantée Gemma, je suis Persei, réussit-elle à dire entre deux hoquets de rire. Je suis en première année aussi.

Elle mangea un peu, son ventre la rappelant soudainement à l'ordre avec un large gargouillement. Elle rougit, et ses cheveux devinrent aussi rouges que son visage. Elle rit à nouveau imaginant très bien la scène. Ce n'était pas grand chose, mais le fait d'avoir parlé à quelqu'un était soulageant. Surtout qu'elle avait su maîtriser son sarcasme, enfin non, c'était surtout grâce à l'autre énergumène chez les Gryffondors.

Elle se nota mentalement qu'elle devrait les remercier d'une certaine manière avant de reporter son attention sur Gemma.

- Je ne pense pas t'avoir vu en Angleterre.

Le sous-entendu était important et surtout il ne pouvait être ignoré tant c'était évident : tu es peut-être anglaise mais tu n'es pas de sang pur, ou alors tu n'es réellement pas d'Angleterre. Si son ton n'était pas agressif, il montrait bien la limite que Persei avait dessiné. Si elle n'était pas de sang pur, alors elle n'aurait ni sa place dans les connaissances de Persei ni dans la maison Serpentard. La fillette était persuadée que même le choipeau pouvait faire des erreurs...

Persei roula des yeux, en l'entendant étaler sa vie. Elle s'arrêta de l'écouter rapidement, en fait presque depuis le début, une fois qu'elle eut l'information qu'elle cherchait : elle n'était pas d'Angleterre. Bon, eh bien au moins ça lui laissait une possibilité d'être de sang pur. Elle entendit quelques mots comme événement ou encore politique. Ces deux mots lui suffirent à lui faire comprendre que même si Gemma n'était pas de sang pur ou n'était pas anglaise non plus, sa famille devait être influente.

Il n'en fallu pas plus pour qu'elle se mette à réfléchir sérieusement : si elle devenait amie avec elle, peut-être qu'elle pourrait en retirer des avantages ? Sans doute. Ca vaut le coup de tenter. Puis Gemma lui posa la question à laquelle Persei ne savait pas trop quoi répondre, elle n'avait jamais eu à y répondre puisque tout le monde connaissait la famille Black.

- Eh bien... commença-t-elle gênée sans trop savoir par où commencer. Je suis d'Angleterre, je suis née et ait toujours vécu ici. En soi, mon histoire est loin d'être passionnante... Pour faire simple : deux parents, mariage arrangé, un père qui fait des négociations pour des affaires pas claires, une mère à la maison qui organise tout un tas de soirées mondaines pour aider mon père à avoir de nouveaux partenaires...

Elle termina d'un ton ennuyé, comme si c'était tout à fait normal le trafic étrange de son père et elle soupira. Au final les gens la connaissaient mieux qu'elle ne se connaissait. Le nom qui suivait son prénom était réputé pour la pureté de son sang, pour le prestige qu'il représentait. Pour Persei, c'était jamais de plus qu'un nom qui pouvait lui servir. Elle haussa des épaules sans grande conviction. Elle aurait pu faire la fille supérieure, mais elle avait le sentiment que ça ne prendrait pas avec Gemma, alors à quoi bon faire semblant ?

Elle reporta son attention sur le Gryffondor de plus tôt et s'étouffa. Non seulement il était toujours aussi ridicule mais en plus, d'autres énergumènes s'étaient joints à lui. Elle détourna le regard pour se concentrer sur Gemma.

- En bref, pas grand chose d'intéressant, déclara-t-elle en lui faisant un sourire en coin.

Persei ne releva même pas la réflexion de Gemma, trop perturbée par les Gryffondors. Elle chercha un sujet de conversation, parce qu'au final, elle ne pourrait peut-être pas reparler de si tôt.

- Et euh, tu... Tu t'y retrouves dans les couloirs du château ?

Si Persei l'avait pu, elle se serait donné une claque. Elle le fit mentalement à défaut de le faire en vrai. Dans la catégorie : pire question de l'année, elle remportait sans conteste la palme d'or. Ses cheveux frisèrent (de honte) et elle plaqua ses mains dessus pour tenter de les raidir. Si en temps normal elle maîtrisait plutôt bien ses transformations, quand ses émotions s'en mêlaient, c'était peine perdue.

Elle s'agaça contre ceux-ci, et ils virèrent plusieurs fois de couleur avant de reprendre la teinte qu'elle aimait leur donner : auburn. Heureusement qu'il y avait cette couleur, elle mourrait de honte si ses cheveux reprenaient leur couleur naturelle, un joli fuchsia. La couleur aurait pu lui plaire, mais lorsqu'on lui annonça qu'elle avait une cousine (née d'une traître à son sang) qui était elle aussi métamorphomage, et que de surcroît, elle avait les cheveux fuchsia, elle arrêta d'exposer sa couleur naturelle.

Elle ne voulait pas être comparée à une fille aussi traître. Heureusement qu'elle ne portait pas le nom de famille Black, ça serait tout simplement une honte à la famille. Si elle se souvenait bien, sa cousine s'appelait Nymphadora, mais on en parlait que peu. Dans tous les cas, elle était ravie de maîtriser suffisamment ses transformations pour ne pas exposer une similitude.

Persei approuva la réponse de Gemma, elle aussi était pareille. Pas question d'avouer une telle faiblesse. C'était réducteur. Puis, elle finit par lui demander si elle connaissait du monde.

- Oui, deux Serdaigles avec qui j'étais proche avant d'entrer à Poudlard et...

Elle soupira, se préparant mentalement à s'écorcher la bouche.

- Et une peste de Gryffondor, insupportable. A mon plus grand malheur.

Elle conclut en répondant que sinon, elle ne connaissait personne, ni de près ni de loin. Elle retourna la question à la brunette, mais se doutait déjà de la réponse : si ça ne faisait que cinq ans qu'elle était là, alors elle ne devait pas connaître grand monde voire même personne. Et Persei était prête à parier sur ça. Les sorciers - sang pur ou non - avaient généralement du mal à se mélanger avec les sorciers étrangers, souvent à cause de la différence culturelle.

Alors de là à ce que les sorciers adultes présentent leurs enfants, c'était une autre histoire, plus compliquée entre deux mots. Enfin, c'était les adultes avaient le chic de rendre les choses compliquées.

Persei ricana. Gemma savait-elle seulement qu'elle parlait en ce moment même à une sang-pur ?Peut-être même une de celles que son père lui a demandé de fraterniser... Prendre le risque de détruire le tout petit... lien (?) qui venait d'être créé était juste hors de question. Si cette relation venait à lier l'utile à l'agréable, alors elle ne dirait rien. Dans le pire des cas, elle inventerait une excuse comme quoi c'était profitable aux deux...

De toute façon, elle aurait bien le temps de réfléchir. Il n'empêche qu'elle était plutôt d'accord avec la dernière partie de sa phrase : la manipulation. Elle même était manipulatrice et devait être elle aussi manipulée parfois, mais c'était ainsi qu'ils étaient élevés. Souvent c'était par plaisir, mais dans certains cas, c'était par nécessité. Dans le cas du père de Gemma, Persei avait vite comprit que c'était juste pour en retirer des bénéfices. Son propre père en ferait autant.

- Je te comprends. La carrière avant la famille, dit la fillette en haussant les épaules. Les adultes sont tous les mêmes : les intérêts personnels devenant soudainement les prétendus intérêts de la famille.

Si au départ la jeune serpentarde avait trouvé cette situation fataliste, elle s'y était faite lorsque tous les membres de sa maison étaient pareils. Seuls les plus âgés se prêtaient vraiment au jeu des alliances, ayant une véritable pression familiale derrière eux. Les plus jeunes, bien que forcés par les parents étaient plus... rebelles et indisciplinés. Ils n'avaient pas eu d'enfance, alors pourquoi se gâcher l'adolescence ?

Et puis le temps les rattraperait bien plus tard, alors pour l'heure, Persei devait sans doute être comme Gemma : la tête à autre chose plutôt qu'aux préoccupations familiales.

La fillette était amusée de voir sa camarade parler sans prendre le temps de respirer. Bien que ce qu'elle dise était intéressant et plein de sens, Persei ne pu s'empêcher de compter le nombre de secondes entre chacune de ses inspirations. Autant dire qu'elle ne reprit pas énormément son souffle dans son petit monologue. Lorsqu'elle fut terminée, Persei remarqua sa gêne.

- Eh bien, en voilà une idée bien arrêtée, glissa Persei en se moquant gentiment de Gemma. C'est pourtant une idée que j'approuve. Mais je comprends en même temps les adultes : l'appât du gain et du pouvoir... Y a qu'à voir mes parents et ceux de Goldstein, la gryffondor ignoble dont je te parlais tout à l'heure. Ils ne peuvent pas se sentir, mais comme y a de l'argent et du pouvoir à la clé, ben on fait copain-copain...

L'agacement était perceptible dans la voix de la jeune serpentarde.

- Mais le pire dans toute cette histoire c'est que je dois me la coltiner même en dehors des repas maintenant ! Je déteste l'école pour ça, voir sa tête m'irrite et m'agace...

Toute cette rancoeur pour une malheureuse plume à papote... De toute façon, ça n'aurait pas été à cause d'une plume à papote, ç'aurait été une raison toute aussi absurde. Dès le premier regard, Persei avait compris que Selene Goldstein allait être une gamine insupportable. Finalement, c'est vite devenu réciproque, dieu merci, il n'y avait pas à faire semblant... enfin juste devant les parents...

- Enfin, on ne parlait pas de ça au départ...

Avec un peu de recul, la jeune sorcière s'aperçu que leur discussion était tout de même très inhabituelle pour des enfants de 11 ans. La faute à leur éducation.

- Bon et si on parlait d'autre chose ? C'est déprimant cette discussion sur l'éducation.

Au final, elle avait fini par faire un monologue aussi long que Gemma... Maintenant elle ne devrait plus avoir de raison d'être gênée...