- Concentre-toi. Tu n'es pas concentrée, Jane.

Savira recadrait son élève éprouvée. Cela faisait des heures qu'elles s'entraînaient en haut de la tour d'Astronomie, un coin suffisamment reculé qui mettait à l'aise la jeune fille. Pour commencer, autant la mettre dans de bonnes conditions. En plus, Calden avait de lourdes prédispositions à la légilimancie qui ne demandaient qu'à être creusées. Pour Savira qui avait elle-même mis un nom sur son don autour du même âge avec l'aide du professeur Flitwick, c'était évident qu'elle devait incarner à son tour un appui, et un mentor. Il ne fallait pas gaspiller tout ce potentiel, mais le potentiel seul ne suffisait pas. Il fallait comprendre son pouvoir, l'analyser, le décortiquer jusqu'à la lie pour pouvoir le maîtriser. Elle était là pour ça: la guider.

- Recommence. asséna froidement et sans ménagement la psychomage. Elle était dure, mais c'était nécessaire. Calden n'était pas une faiblarde. C'était une marginale, mais elle avait du coffre sous ses airs renfrognés. Savira croyait en son potentiel, et elle n'avait pas l'intention de la dorloter. Le but de l'exercice ? Pénétrer l'esprit de son professeur. En soi, ce n'était pas chose aisée puisque Savira était particulièrement coriace question barrières de l'esprit. Pourtant, elle lâchait du lest dans ses barrière mentales, mais pas totalement. Or, l'occlumens en miss Abellum donnait bien du fil à retordre à son élève qui semblait s'ébouillanter le cerveau à force d'intrusions manquées répétées. Parfois, il y avait comme des flashs perçants dans sa caboche mais cela n'aboutissait jamais vraiment.

- D'accord. Je l'admets j'ai commencé un peu fort. Je n'ai pas totalement laissé mon esprit en proie à tes attaques. Je l'ai légèrement verrouillé...

Jusqu'à présent, Savira avait employé la manière forte dans le but contestable de fatiguer son élève, dans l'espoir qu'elle s'abandonne plus aisément. Elle savait que c'était chose sadique que de fermer son esprit à un apprenti legilimens qui devait, dans un premier temps, maîtriser le plus accessible, si possible un corps inconscient totalement sans défense, mais la brune n'allait bien évidemment pas s'auto-fracasser la tête pour le bon déroulement de l'apprentissage. Au lieu de ça, elle avait même corsé l'affaire uniquement dans le but d'éprouver son élève. Elle voulait lui faire ressentir toute la difficulté de ces leçons, et lui faire prendre conscience que la motivation, la force, la détermination et l'acharnement étaient des clefs indispensables pour mener à bien ce projet. En se confrontant au plus difficile, on parvient parfois aux bases avec plus de facilités.

Je veux que tu comprennes que le but, c'est que tu domptes ta force et ton ouverture mentale en faisant abstraction de tes émotions et ta peur de l'echec, et accessoirement la frustration qui en découle. Il ne faut pas réfléchir. Se détacher. Tu comprends ? Il faut se couper de tout sentiment. Tu sais faire ça, je le sais bien.

Elle marqua un temps en faisant les cent pas, baguette en mains, mains derrière le dos. Peut-être était-ce le moment de faire une pause ? L'Italienne n'avait pas compté les heures, bien décidée à former son élève coûte que coûte. Davantage consciente de la difficulté de la situation, elle décida de se montrer plus douce pour une transition plus agréable, une accalmie.

- Psychologiquement c'est dur, Jane. C'est éreintant quand tout n'est pas totalement inné. Comme toi, j'ai dû faire des efforts de concentration. Tout n'est pas arrivé d'un coup, je ne me suis pas subitement réveillée un beau jour en lisant dans les pensées de mes pairs. Comme toi, il m'est arrivé des choses inexplicables, mais j'ai dû travailler pour les contrôler. Encore aujourd'hui je dois me concentrer pour lire un esprit, d'autant plus s'il est entraîné à se fermer, mais je dois aussi me focaliser sur moi-même et prendre de la distance pour ne pas me laisser submerger. Il n'y a pas que ton pouvoir que tu dois contrôler. C'est ta concentration, ton recul, tes sentiments, et ta sagesse. Tu comprends ? Au delà de ta baguette et de ton incantation,
tout part de toi.

Sans attendre ne serait-ce qu'un hochement de tête de son apprentie, Savira revêtit son masque froid pour reprendre à la bonne mesure. Cependant, elle décida au dernier moment de laisser retomber la pression, voyant bien que son cours mériterait bien davantage de pédagogie. Après tout, c'était aussi son rôle de savoir quand calmer le jeu. En fin de compte, elle pensa que ce moment était opportun pour faire une mise au point, et invita la jeune fille à s'asseoir sur les marches de l'escalier.

- Jusqu'à présent, j'admets que je ne t'ai pas facilité la tâche. De cette façon j'avais bon espoir que tu abandonnes tous les préceptes humains, parce qu'il s'agit bien de ça : abandonner son humanité pour en pénétrer une autre, délaisser ses émotions pour en absorber. C'est une véritable conquête. Quand tu cherches à sonder un esprit, tu n'existes plus... OK. On va faire un petit débriefing. Tu as tenté plusieurs fois de t'introduire dans ma tête. Je reconnais que parfois j'ai senti quelque chose, comme une tentative qui m'a chatouillé le lobe frontal. Malgré moi j'ai dû rendre ça plus difficile, mais je veux savoir exactement comment tu l'as ressenti. Je veux savoir si tu comprends pourquoi ça n'a pas fonctionné. De ta bouche, je veux connaître ton état d'esprit, tes ressentis, tes mouvements, tes sentiments, ta façon de faire très précisément, de ta matière grise jusqu'à ta baguette. Je veux connaître ta procédure de A à Z, Jane. Ensemble nous allons revoir ça point par point. Je t'écoute.