Colère incontrôlée (Flashback, décembre 1990)

Mauvaise semaine, mauvaise semaine. Ce sont ces jours où rien ne va et qui s’enchaînent les uns à la suite des autres, pour finir par une accumulation tellement grande que l’explosion survient. Tout le monde est différent, bien entendu. Certains parviennent à contrôler cette colère ou ce désespoir grandissant, mais certains n’y arrivent pas et ils finissent par exploser à un moment ou un autre. Marie-Lise fait partie de cette dernière catégorie. Elle n’a que très peu de contrôle sur ses humeurs et il lui arrive parfois de complètement disjoncter et péter un câble à la première personne disponible. Autant dire, qu’en ces périodes difficiles, il valait mieux se tenir plus à l’écart de la Serdaigle, à moins que l’on soit préparé à subir l’une de ses explosions. Le bon côté, c’est qu’une fois la crise et l’émotion sortie, la jeune fille peut rapidement retrouver une humeur plus agréable.

Cette semaine de décembre était l’une de ces semaines horribles. Une accumulation de devoirs et de préparation aux examens s’accumulaient sur la liste des tâches de Marie. Le froid mordant de la période rendait les journées plus difficiles et bien sûr, les cours matinaux n’arrangeraient en rien la mauvaise humeur grandissante de Marie. Le lundi, cette dernière avait réussi à échapper son sac de cours par terre, les pots d’encres s’étaient ouverts, gâchant les notes et devoirs de  la Serdaigle. Le mardi, elle s’était trompée de classe et était atterrit dans un cours pour les troisièmes années et c’est sous les regards moqueurs que Marie quittait la salle. Le mercredi elle fût incapable de répondre correctement à plusieurs questions, pour cause qu’elle était un peu trop fatiguée pour réfléchir correctement. Il n’empêche que l’humiliation reste là. Le jeudi, sa chouette Bergie est tombée malade, elle dut l’amener se faire soigner et cela lui rappelait que personne ne lui avait écrit depuis le début du mois, alors que les vacances approchaient à très grands pas. Et le vendredi elle s’était attrapé un rhume d’une force inoubliable. Elle devait désormais traîner sa boîte de mouchoirs papiers avec elle et étudier ou faire des devoirs était une mission quasi impossible. Les traces d’encres ruinaient ses plus jolies compositions et son écriture était une catastrophe monumentale. Par la fin de cette dernière journée de la semaine, la Serdaigle ne voulut que se coucher et rester au lit pour le restant de la soirée, les rideaux fermés pour ne voir personne. Le lendemain serait le dernier weekend à Pré-au-Lards avant les vacances et elle souhaitait s’y rendre question de s’acheter quelques sucreries pour faire passer cette mauvaise semaine.

C’est donc ce même samedi matin que Marie sortit, finalement, de son lit et se prépara pour sa sortie à Pré-au-Lards, son humeur toujours aussi massacrante lorsqu’elle aperçut la pile de devoirs à refaire pour la semaine suivante. Armée de son écharpe et de son manteau, elle partir prendre son petit-déjeuner dans la grande salle et se dirigea, par la suite, vers le petit village sorcier tout en maudissant ce froid et se rappelant que la neige est en fait très dérangeante. Elle entra dans la boutique  de Derviche & Bang et entreprit d’aller chercher un pot d’encre et une plume pour lui permettre de terminer ses devoirs et être certaine qu'elle ne manquerait de rien. Elle croisa dans l'allée papeterie les plumes en sucre qu’elle avait tenté le mercredi d’avant, et par lesquels elle avait été extrêmement déçue. Elle tenta d’ignorer ce sentiment grandissant de colère et se dirigea vers le comptoir pour payer ses achats le plus rapidement possible. ‘5 gallions la plume qui goûte mauvais… et cet employé qui sourit. Qu’est-ce qu’il a à sourire comme ça? Ses plumes sont écœurantes’ Marie chassa les idées de son esprit le plus qu’elle put. Du moins, elle tenta. L’employé n’avait rien demandé… mais ce sourire et ce petit ‘bonjour’ qu’il lui avait lancé. Il avait quoi à être si heureux celui-là. Et ces plumes en sucre! Simplement les croiser dans le rayon lui avait remis en bouche ce goût ignoble et ce mauvais souvenir qu’il lui était attaché. La Serdaigle sentie le flot de parole, la colère qui montait et elle ne put pas s’empêcher. Ces plumes avaient eu le goût le plus mauvais qu’elle ait jamais connus et cet employé avec ce sourire le plus insultant et hypocrite qu’elle ait vu…

« Non, mais ça ne va pas? Déjà c’est quoi ce sourire, hein? Les plumes en sucre elles sont les pires jamais tenues en stock! On devrait prévenir de leur goût ignoble! Ce n’est pas du tout agréable! Et en plus, en plus, elles coûtent 5 gallions! 5 gallions pour ces trucs immondes! C’est un vol pur et simple! Et toi comme ça, avec ce sourire niais derrière ton comptoir! Tu es bien content qu’on vienne acheter ici! Surtout ces plumes en sucre hors de prix! La prochaine fois il faudra ajouter : Immonde à la description de l’article! De quoi avertir les gens de ce qu’ils achètent! Ah non! La meilleure idée ce serait quoi? Les retirer! Complètement! Comme ça plus de victimes! Et en toute honnêteté, je devrais récupérer mes 5 gallions de ce dernier achat.»

Marie jeta agressivement sa plume et son pot d’encre sur le comptoir.

« Et ça, tu peux les garder! Je n’en ai plus de besoin! Et avec un peu de chance, je n’aurais plus jamais besoin de venir ici!  Et ton sourire, tu peux bien l’avaler! Personne n’a besoin de voir cette... cette chose!»

La jeune Serdaigle se tourna brusquement sans écouter l’employé plutôt confus par sa réaction, qui pouvait être interprétée comme exagérée, et sortie de la boutique en étant bien certaine de claquer la porte et de pousser un  soupir mélangé à un grognement de colère qui exprimait toute cette frustration et toute cette colère que Marie avait contenue toute la semaine.

Codage par Libella sur Graphiorum