Merry Christmas - Glasgow - 26 Décembre 1991 - Dim 5 Nov - 20:16
MERRY CHRISTMAS
ADELAÏDE NOTT
L'Ecosse. La grande demeure des Rosier. Les repas lugubres qui résonnaient du cliquètement des couverts. Les discussions amorcées puis vite étouffées. Il y avait tant de sujets à ne pas aborder autour de cette table en merisier.
Sa Grand-Mère maternelle, tout d'abord. Emily Rosier. Malade, fatiguée à en croire les dires des adultes. Rosalind ne comprenait pas pourquoi. Les rares fois où elle avait été en compagnie de sa Grand-Mère, cette dernière s'était montré douce, patiente. Et elle se souvenait surtout de son rire: une envolée de notes joyeuses qui restait longtemps dans l'oreille. Mais le Noël dernier, Emily était restée cloîtrée dans sa chambre, clouée au lit par une grippe, et à priori contagieuse s'était fait dire Rosalind. De toutes façons, pas moyen d'en savoir plus: sa mère esquivait le sujet, son père la renvoyait vers sa mère et quant à son grand-père, ça, pas question d'y songer. Edmund Rosier impressionnait la fillette, et la dernière fois que Rosalind s'était risquée à demander: "Pardon, Grand-Père, mais elle souffre de quoi exactement Grand-Mère?", ce dernier l'avait fusillée du regard et elle avait bredouillé une excuse avant de sortir précipitamment de la pièce.
Et puis l'absence de sa tante, Mathilda, qui avait un jour claqué la porte de la maison pour ne plus jamais revenir. Un autre sujet tabou. La seule gifle qu'elle ait jamais reçue de sa mère.
Le court séjour chez ses grand-parents maternels touchait à sa fin, les fêtes de Noël étaient passées, et Rosalind n'en était pas fâché. Elle s'ennuyait dans cette grande demeure à la décoration compassée, et même si elle pouvait toujours se réfugier dans ses livres, l'atmosphère lourde et tendue commençait à lui peser.
Après le dîner, elle avait pris congé des adultes et s'était réfugiée dans le salon, la seule pièce un tant soit peu chaleureuse de la maison. Elle venait de finir un roman, un de ses cadeaux de Noël, et se trouvait soudainement désœuvrée. Elle se leva du fauteuil dans lequel elle était blottie et se mit à regarder pour la énième fois les photographies posées sur le manteau de la cheminée.
Sa préférée. Une photographie des trois filles Rosier: Arthéna, Mathilda et Adélaïde. Dans une roseraie, assises en ordre d'âge, petite filles posant sérieusement pour le photographe, mais dans le regard desquelles on pouvait lire une certaine insouciance, une clarté. Les fronts étaient lisses, les joues rondes. Et les fillettes s'animaient doucement, lissant leur jupe, et plissant leurs yeux à cause du soleil.
Dernière édition par Rosalind Fawley le Mar 3 Avr - 17:21, édité 1 fois
Invité
Re: Merry Christmas - Glasgow - 26 Décembre 1991 - Lun 6 Nov - 4:14
Adélaïde était devant la porte de la demeure familiale, à Glasglow. La neige paraît le jardin, encerclant la bâtisse d'un doux manteau immaculé. À l'extérieur, le calme régnait sur le domaine. Entre les murs aussi, mais différemment. Celui du dehors était fondé quand celui de l'intérieur n'était qu'apparence. Tous les remous de l'histoire compliquée de leur dynastie se taisaient et alourdissaient sensiblement l’atmosphère pour ceux qui savaient. Si personne n'avait connaissance de tout, chacun possédait quelques bribes qu'il conservait égoïstement, refusant de les partager. Dissimuler était imposé.
Elle entra sans prendre la peine de toquer. Cela faisait quelques années déjà qu'elle oubliait certaines règles. Les privilèges augmentaient en grandissant. Les contraintes aussi. La présence de son mari à ses côtés en était la preuve. Le couple passerait le réveillon et la nuit chez les Rosier, mais le déjeuner de Noël se ferait chez les Nott. Ils partageait cette fête conviviale entre la froideur de leurs lignées ancestrales.
« - Bonjour ! »
Des salutations, des embrassades. Des sourires faux et des moqueries intérieures véritables. Comment allez-vous chère tante ? Oh, très bien, racontez-moi donc cela. Vous n'imaginez pas comme ça m'est égal. Père que cela fait longtemps ! Bien trop oui, je vous l'accorde. Comment se porte ma mère ? Oui, cela m'intéresse, évidemment. Hypocritement.
Bien vite, il fut l'heure du repas. Celui-ci se révéla succulent même si bien trop long. Qu'importe, la brunette était habituée à patienter, ou à faire comme si elle ne s'ennuyait pas terriblement. Quand ils eurent finis, la jeune femme resta avec les plus âgés encore quelques minutes, le temps d'échanger les banalités d'usage, avant de partir à la recherche de sa nièce dans la maisonnée. Un visage poupin ne pouvait que lui être agréables face aux peaux ridés qu'elle venait d'observer. Elle finit par la trouver dans le salon, et s'approcha d'elle. L'enfant se tenait devant la cheminée où étaient disposées diverses photographies.
« - Que fais-tu donc? L'interrogea-t-elle. »
Elle était curieuse. Qu'est-ce que la petite pouvait donc penser de ces quelques images ?
Re: Merry Christmas - Glasgow - 26 Décembre 1991 - Jeu 9 Nov - 12:48
MERRY CHRISTMAS
ADELAÏDE NOTT
-Que fais-tu donc?
Comme prise sur le fait, Rosalind sursauta et s'éloigna vivement des photographies. Elle se retourna, prête à s'excuser auprès de sa mère pour son indiscrétion, mais à la place, elle tomba nez-à-nez avec sa tante, Adélaïde. Ce n'était pas la première fois qu'elle était trompée par la ressemblance troublante entre ces deux voix. Pourtant si différentes, tant dans leur physique que dans leur attitude, les deux soeurs partageaient un timbre grave et suave, même si dans le cas d'Arthéna les voyelles se faisaient parfois plus traînantes.
-Je... J'ai fini mon livre, alors je... Je regardais les photos de famille, c'est tout, répondit-elle d'une voix mal assurée.
Elle ne savait jamais comment se comporter avec sa tante. Cette dernière se montrait tantôt joueuse, tantôt dure, caline même parfois, mais la plupart du temps elle ignorait tout bonnement sa nièce. Rosalind essayait de suivre ces variations de comportement du mieux qu'elle pouvait, s'attachant principalement à rester la plus polie possible. Le mantra des Rosier: qu'importe ce que tu dis ou comment tu agis, tant que tu restes dans les limites fixées par l'étiquette. Et ce, même dans l'intimité du cercle familial.
Un petit silence s'installa entre les deux Sorcières et Rosalind crut bon de relancer la conversation.
-J'aime beaucoup celle-là, dit-elle en désignant l'image encadrée des trois soeurs. C'est amusant de vous voir si jeunes, avec Mère et... tante Mathilda. Et puis j'adore les roses. Quand est-ce qu'elle a été prise, cette photographie?, demanda-t-elle, curieuse.
Elle avait bien essayé de questionner sa mère sur son enfance, mais Arthéna avait toujours pris soin de faire dévier la conversation sur d'autres sujets, le soi-disant manque de discipline de Rosalind notamment. Peut-être aurait-elle plus de chance auprès d'Adélaïde?